jeudi 22 octobre 2009

Services industrieux

Je surveillais le journal des créations de compte utilisateur, histoire de voir quelles nouvelles têtes s'apprêtaient à faire leur premier pas chez nous, quand je suis tombé sur SIG communications, ouvert mercredi en soirée. Ca a fait tilt car, voyez-vous, outre que le nom sonne très officiel, les SIG sont pour moi les Services industriels de Genève, une entreprise que j'aime par ailleurs vraiment beaucoup1.

Vu l'heure (23h09), on a visiblement là un employé heureux et motivé qui continue à servir son employeur quand bien même les bureaux sont fermés depuis belle lurette. Je n'ai rien contre le Stakhanovisme tant qu'on ne me demande pas de participer, et comme indiqué je suis plutôt favorable aux SIG. Néanmoins, cette approche me pose un problème, par ailleurs indirectement abordé par GL et Schutz ici-même il y a quelques temps: comment gérer la communication d'entreprise? Et comment gérer celle qui est faite sans que ladite entreprise soit vraiment au courant? Et on ne parle même pas des conflits d'intérêt sur le contenu.

J'ai déjà été contacté à plusieurs reprises par des services de communication me demandant très officiellement (ou officieusement) conseil sur la meilleure manière de contribuer sur Wikipédia: à chaque fois des personnes très polies, curieuses et ma foi assez naïves (et pas démontées pour deux sous par l'idée de demander conseil à un gars qui se fait nommer Popo, ajouterais-je). Mon conseil? Laissez tomber. Mon deuxième conseil? Si vous le faites quand même, avancez à couvert (i.e. en prenant un pseudo anonyme au possible). L'information peut être ajoutée quoi qu'il arrive, et on évite les problèmes d'arguments d'autorité ou de procès d'intention en cas de conflit. Wikipédia est ouverte à toutes et tous, et on ne peut s'assurer ou revendiquer le contrôle d'un article - un fait avec lequel il vaut mieux apprendre à composer d'entrée.

Alors évidemment, on s'empêche ainsi de surveiller et marquer des contributeurs potentiellement problématiques. Sauf que s'ils deviennent problèmatiques cela se verra assez vite, et s'ils ne le sont pas on les soumet inutilement au regard suspicieux des autres.

J'ai mis un mot assez maladroitement rédigé sur la page de discussion de notre fournisseur d'électricité. C'est bien la première fois où j'aurais apprécié la présence d'une page méta expliquant tout cela à ma place.


1. Chaque année ils me renvoyaient un prospectus me rappelant que pour quelques centimes du kilowatt heure de plus, je pouvais subventionner des projets d'énergie renouvelable. Je trouve le geste volontariste et sympa.

mardi 20 octobre 2009

Brèves d'entourage - 1

C'est rigolo d'entendre ce que « les gens » pensent à propos des projets Wikimedia (ce qui revient quasi tout le temps à Wikipédia) surtout quand ils ne savent pas que je suis un peu impliqué là-dedans. Ou quand cela n'a pas grand chose à voir avec ce qu'on lit/entend dans les medias....

En plus, le fait d'avancer masqué me donne l'effet d'être un super héros (de pacotille), enfin plus Alfred Pennyworth que Bruce Wayne quand même.
Je me suis dit que j'allais recenser ici ce que j'entends. Naturellement, « Plural of anecdote is not data ».

Lieu : au boulot
Personne : une collègue âgée d'une trentaine d'années
Contexte : Discussion sur les smartphones (en fait, c'était une marque plus précise) qui est venue sur le tapis, je ne sais plus comment..

Elle : « T'as un smartphone, toi ?».
Moi : « Euh non. Tu sais moi, l'engouement pour la mode technologique...».
Elle : « Pareil. Si j'en avais un, ce serait juste pour vérifier des trucs sur Wikipédia».

J'ai rien rajouté à part un sourire mais.... y a des addicts à Wikipédia même sans contribuer, on dirait. Ou des réflexes étonnants.

jeudi 15 octobre 2009

Nous n'avons pas gardé les cochons ensemble

Un contributeur avec qui j'échangeais récemment m'a quelque peu surpris en me demandant tout de go "pourquoi restes-tu si cool alors que je t'ai violemment attaqué [dans mon message précédent]?"

Je pourrais disserter sur le fait que le cool est chez moi une seconde nature, que je pratique le Zen depuis mes jeunes années, ou qu'il ne sert à rien de s'énerver quand on a déjà mis un contrat sur la tête de son contradicteur mais, de fait, la réponse est beaucoup, beaucoup plus simple:

On ne se connaît pas.

On ne se connaît pas et donc, me direz-vous, c'est une bonne raison pour ne pas laisser n'importe qui me traiter de malhonnête pas drôle. Eh bien au contraire c'est justement parce qu'on ne se connaît pas que j'ai bien conscience que toutes les attaques et critiques ne sont pas basées sur des faits et considérations informées sur ma personne, mais uniquement sur des perceptions. Et que celles-ci sont probablement fausses. Du coup, autant laisser couler que de s'accrocher sur un malentendu.

J'essplique.

L'écrit est traître, l'écrit est trompeur. Une phrase, même anodine, est quasi-systématiquement lue avec un ton différent de celui qui l'a écrit, et étonnamment ce n'est jamais d'une manière plus légère. C'est quand l'ironie ou le badinage de l'un devient sarcasme ou insulte pour l'autre: il n'y a qu'à lire les plaintes posées sur le Bulletin des administrateurs pour voir que ça arrive toutes les semaines1. Parce qu'il y manque le ton, les mimiques, on construit une représentation de l'autre qui est forcément erronée - prenez le cas des wikirencontres, où tout le monde est un peu curieux de savoir qui ressemble à quoi. Je compte sur un, voire deux doigts les gens qui ressemblent, en physionomie ou attitude, à l'impression que je me faisais d'eux avant de les rencontrer.

Avec tout cela en tête, je me permets donc de commenter (et ricaner sur) les erreurs et errements de chacun. Mais pour ce qui est de juger la personnalité des gens sur la seule base d'un style, de centre d'intérêts ou d'une grammaire fautifs, je serai plus circonspect. Après tout, nous n'avons pas gardé les cochons ensemble.




1. "Donnez-moi trois lignes d'un honnête homme, et je trouverai de quoi le faire pendre." Richelieu.

mardi 13 octobre 2009

Bad karma

Vous êtes un contributeur sur Wikipédia et, disons le poliment, vous avez des opinions. Leur sujet n'est pas réellement important mais, d'une manière ou d'une autre, elles sont connues du quidam wikipédien. En fait, elles sont tellement tranchées et connues (ou considérées comme telles), ces opinions, que d'autres en parlent à l'occasion sur le Bulletin des administrateurs (BA). C'est là que le drame guette.

La mauvaise nouvelle est que ce genre de dynamique a tendance à vous placer sur un genre de hit list: à chaque nouvelle apparition, les chances sont grandes que de nouvelles personnes en arrivent à la conclusion que cela ne sera pas une mauvaise idée de vous bloquer, vous, votre compte, et vos idées tranchées. Dans un groupe dont le fonctionnement est vaguement basé sur une notion indéfinie du consensus, quiconque s'écarte volontairement du centre mou (à tort ou à raison) fait implicitement un pas en dehors du groupe. Mauvais karma.

La bonne nouvelle, mais c'est une évidence, est que si vous disparaissez des écrans radar pour un temps, le nombre de personne vous considérant comme un boulet diminuera avec le temps (quoique probablement moins rapidement): ici comme ailleurs, les souvenirs bonifient avec le recul, et le mauvais karma aura tendance à refluer (sans jamais vraiment disparaître).

Le mauvais karma est aussi apolitique, en ce sens tout le monde peut en avoir, indépendamment des clans et des mérites: inclusionnistes, suppressionnistes, peon et admins. Ce qu'en fait je trouve intéressant, du coup, c'est d'une part de deviner d'après les réponses et silences des uns et des autres qui pourrait se trouver sur une mauvaise pente, et d'autre part quels sont les éléments dynamiques qui peuvent alourdir ou alléger une hit list.

Concernant ce dernier point, la règle empirique que j'entrevois pourrait se résumer comme suit: une intervention sur le BA, sauf pour une question technique ou signalement anecdotique, est rarement plaisante à lire. Si vous êtes un contributeur relativement établi et vous vous retrouvez bloqué ou pris à partie pour quelque raison (ou si vous prenez quelqu'un à partie), la lecture de cet accroc éveillera un vague déplaisir chez le lecteur: en fonction de l'intensité et de la patience de celui-ci, vous entrerez alors sur sa liste. Évidemment, et comme indiqué plus haut, plus vous êtes bloqué et pris à partie (et donc plus souvent des messages déplaisants apparaîtront), plus de personnes auront votre nom rangé dans un coin déplaisant de leur mémoire.

Le plus récent déficit karmique, c'est évident, est celui de l'utilisateur HDDTZUZDSQ, dont on a parlé sur le Bulletin dernièrement (au moins trois fois en autant de semaines, il me semble). Avant ça, et c'était il y a peu, on avait l'inénarrable Michel d'Auge. J'ai survolé un peu les deux derniers mois du BA et, à vue de nez, je dirais que parmi ceux pour qui ça sent vraiment le roussi on trouve probablement Addacat, Grimlock, Optimi, Perky et Daniel*D. J'en oublie sûrement, mais ce n'était qu'un survol et une vague impression sur la base (subjective) de la violence des échanges aperçus.

Entendons-nous bien: ce n'est pas un jugement, je ne suis pas ici en train de distribuer mes mauvais points ou d'afficher ceux qui ont l'honneur de ma liste. A vrai dire, je n'ai souvent pas de jugement bien arrêté sur la plupart des personnes citées (je le dis sans malice) - des gens qui savent écrire, même pour lancer des piques, ne sauraient d'ailleurs être foncièrement mauvais. J'espère.

lundi 12 octobre 2009

L'air du temps

Si vous suivez les actualités wikipédiennes, vous n'ignorez pas qu'un sondage est en cours sur l'opportunité (ou pas) d'instaurer les flagged revisions sur la Wikipédia francophone. Après quelques jours de consultation on peut penser que la communauté est plutôt clairement d'avis que non, celles-ci ne sont pas opportunes. Et plutôt deux fois qu'une.

Élément nouveau à apporter au débat, Eric Zachte nous entretient (en anglais) dans son dernier billet de la création d'une Wikimedia report card, sorte de récapitulatif mensuel du Zeitgeist wikimédien. Deux items m'ont particulièrement frappé: le nombre d'éditions par mois et le nombre de nouveaux utilisateurs sur la version germanophone de l'encyclopédie.

Comme les graphiques présentés sont un peu fouilli en présentant trop de projets, les deux versions ci-dessous pour ne regardent que les données concernant les francophones (fr) et germanophones (de):


Nombre d'éditions par mois (x1'000), septembre 2008 - août 2009

Premier graphique: le nombre d'éditions mensuelles sur chaque projet, francophone et germanophone. Il y a près d'un an, la différence constatée (env. 30%) reflètait assez bien la différence du nombre de locuteurs succeptibles d'être connectés à internet et de contribuer (resp. 75 et 96 millions dans l'OCDE, soit +28%). L'écart n'a cessé de se réduire depuis, pour en août dernier ne représenter qu'un petit 4% supplémentaire en faveur des germanophones.


Nombre de nouveaux contributeurs (indice 100 = septembre 2008)

Ce deuxième graphique nous montre cette fois le nombre de nouveaux contributeurs qui s'enregistrent mensuellement, avec cette fois non pas des chiffres bruts, mais une base 100 en septembre 2008. Dans les deux cas on s'aperçoit que le nombre de nouveaux inscrit affiche une tendance à la baisse, mais que celle-ci est beaucoup plus forte encore une fois chez nos cousins les Germains.

Si on met les choses en perspective depuis la création des deux projets, on peut se dire qu'on est ici en terrain connu et prévu, à savoir que :de a atteint sa maturité plus rapidement que :fr - le décalage est effectivement constant depuis le lancement des deux projets:


Nombre d'éditions mensuelles 2001-2009

Peut-être. Peut-être aussi peut-on y voir le résultat indirect de la mise en place vers l'été 2008 sur :de des flagged revisions évoquées plus haut. On donnerait là du grain à moudre à ceux qui pensent qu'empêcher les gens de contribuer spontanément, c'est probablement condamner le projet à l'asphixie à long terme en démotivant les potentiels contributeurs qui ne voient pas apparaître le fruit de leurs efforts. Idéalement, on devrait aussi comparer les données de la dizaine de wikipedias ayant instauré le système. Si ça tente quelqu'un, tenez-moi au courant.

M'est avis qu'il n'y a probablement pas encore assez de recul pour savoir si on est en présence d'une tendance normale ou d'un phénomène aggravant. Mais c'est certainement quelque chose sur lequel il faudra garder l'oeil dans les prochains mois.