samedi 28 juin 2008

Patrick est mort

Un message vu sur la page des demandes de restauration m'a laissé songeur. En substance, une dame demande à ce qu'on restaure l'article concernant son défunt mari, qui aurait été supprimé plus tôt cette année à la demande de leur fille. Madame apprécierait qu'il reste une trace du passage de son époux, fiche que ses amis pourraient consulter à l'occasion d'une pensée pour le regretté Patrick.

Bien que le message semble en fait devoir s'adresser à Copains d'avant (pas de trace d'article, et de toute façon s'il y a bien un moment où un article biographique peut être potable, c'est certainement après le décès du sujet), ce n'est pas la première fois que je vois des gens trouver une utilité tout à fait inattendue à Wikipédia (et je ne parle pas la de celle qui consisterait à tenter de se donner une légitimité ou se faire de la pub): j'ai vu passer des annonces de suicide, des devoirs scolaires (activité d'ailleurs pratiquée par au moins un admin qui envoie ses étudiant au charbon), et même une dame qui voulait savoir pourquoi le "truc qu'elle a[vait?] dans la tête" transférait sa mémoire sur internet (j'avoue que cette histoire, je ne m'en lasse pas).

Ayant eu une expérience similaire au travail -pas le machin dans la tête, hein, mais une dissémination inattendue d'une de mes oeuvres qui, suprême arrogance, m'a un jour donné l'impression d'avoir fait un truc utile - je me dis que la conclusion de tout cela est que la seule personne qui peut juger de l'utilité d'un document (article ou autre) est celle qui l'utilise, et ce quel qu'en soit l'usage final. Dit autrement, ça n'est pas parce qu'on n'a pas pensé à quelque chose que ça n'arrivera pas: on pourrait citer par exemple ce réseau résistant aux bombes nucléaires qui 40 ans plus tard permettra au quidam du XXIe siècle de surfer des sites cochons (ou des encyclopédies) à toute heure de la nuit (et du jour).

Dit encore autrement et plus proche du sujet qui nous intéresse, ce n'est pas parce qu'on ne comprend pas quelque chose et/ou qu'on n'en voit pas l'utilité que ça devrait disparaître de Wikipédia.

Et là je me dis: "merde, je deviens inclusionniste".

Rassure-toi, cher lecteur, ça n'a pas duré.

L'autre composante de Wikipédia (outre l'immense variété des sujets abordés), c'est sa proposition de fournir un contenu d'une qualité acceptable, car vérifié et protégé en permanence par ses utilisateurs. A l'exception des articles d'actualité, la probabilité qu'une page quelconque soit vandalisée est à peu près constante (le sujet le plus obscur pouvant être accédé grâce au lien "une page au hasard"). Sauf que les 10 millions d'articles disponibles ne sont pas surveillés de manière homogène: le maintien d'un niveau global d'exactitude des infos citées repose i) sur le nombre de patrouilleurs qui consultent ou surveillent un article et ii) de leur capacité à différencier une mise à jour anodine d'un vandalisme sournois.

J'entends déjà ceux qui botteront en touche en disant "de toute façon c'est bien marqué qu'il faut toujours croiser ses sources et que WP n'est que le point de départ d'une recherche". Certes, mais que faire quand le sujet est tellement spécialisé (ou le format tellement original, je pense ici surtout à certaines listes), que la seule source disponible est Wikipédia? A terme, la probabilité que cet article soit bourré d'âneries tendra vers 1 et, personnellement, l'intérêt de présenter un tel article se rapproche dangereusement de 0.

Conclusion: la vérifiabilité n'impose pas tant d'avoir des sources que d'avoir les gens capables de les contrôler. Et honnêtement, que ce soit pour des sujets déjà obscurs ou d'autres qui sont voués à le devenir (bonjour aux ex-candidats de la StarAc'), je me dis que ça n'est pas gagné.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bienvenue dans la blogosphère wikipédienne !
J'ai annoncé la création de ton blog à l'adresse suivante : http://wikirigoler.over-blog.com/article-20906411.html
Bon courage pour la suite.

L'ami Pierrot

Anonyme a dit…

L'histoire du truc dans la tête semble effrayante. Wikipédia se découvre chaque jour des utilisations inattendues, ce qui est bien (être une vraie encyclopédie, très bien, mais tenter des choses qui ne se peuvent pas dans d'autres cadres, pourquoi pas), et il en reste beaucoup à inventer. Des sociologues ou des anthropologues pourraient tirer beaucoup de l'observation des rapports humains des Wikipédiens par exemple.

P. Lechien a dit…

Il y a bien ce site, mais j'ai l'impression qu'ils sont en sommeil.