lundi 30 juin 2008

Rupture amoureuse

Un contributeur de moins, un drame de plus (ou pas). Wikipédia a ceci de curieux qu'on y arrive séduit par l'idée de contribuer à des articles et qu'on en part, essentiellement, à cause des gens - alors que les articles sont toujours là, en plus nombreux et, généralement, en mieux. C'est peut-être normal de vouloir s'attacher à une notion de communauté, de se dire qu'on appartient à un groupe ayant quelque point commun, mais je me suis toujours demandé si ces grands claquages de porte de la part de gens pourtant souvent très bien n'étaient pas le cache-sexe de quelque chose de plus profond, qui serait qu'au bout d'un nombre variable d'octets écrits, reformulés ou effacés, on n'a plus grand chose à apporter (ou en tout cas l'impression que). D'où grosse fatigue.

C'était certainement plus sympa/plus convivial/moins engoncé il y a 3, 6 ou 12 mois. Mais d'un autre côté, en tout cas dans mes premières semaines de contribution, je n'avait aucune idée de l'ambiance qu'il régnait sur Wikipédia puisque, pour autant que je pouvais m'y intéresser, j'étais tout seul sur mes articles (avec l'occasionnel passage d'un correcteur de typos); c'est d'ailleurs toujours le cas. Ca n'est pas pour autant qu'à l'époque, ignorant de la grosse déconne du bistro ou d'IRC, je ne m'amusais pas.

C'est comme une séparation: l'Autre, soudainement, ne nous fait plus le même effet qu'aux premiers jours. Des fois même on se demande ce qu'on a pu trouver à ce quelqu'un qui a un humour naze et pète au lit (car les filles aussi, occasionnellement, pètent au lit, même si généralement elles trouvent ça moins ludique que les garçons). Mais combien de fois se pose-t-on la question de savoir ce qui en nous a tant changé que notre copain/copine (ou époux/se) s'est un jour dit "ça n'est pas grave si je suis lourd ou pète au lit"? La responsabilité d'une rupture est toujours partagée, et peut être généralement liée au manque de renouvellement, au détachement vis-à-vis des petits bonheurs pour s'attacher au petits conflits.

Je suppose que tout wikipédien vit ça un jour - j'y arrive régulièrement, et je soupçonne quiconque ne vivrait pas ces affres d'être dangereusement équilibré ou, pire, l'amant(e) idéal(e)1. Faute de renouvellement, donc, on ne s'aime plus, et faute d'amour pour nous motiver on se sépare. C'est douloureux mais finalement assez banal, on ne compte plus le nombre de romans et de chansons sur sujet. J'ai même lu quelque part que l'augmentation des divorces était liée au fait que les gens, vivant plus longtemps, passent aussi plus de temps que prévu (c.à.d. plus longtemps qu'une espérance de vie de 40 ans le laissait autrefois espérer) avec l'être aimé.

Je n'ai malheureusement pas de recette pour l'amour éternel, un jour viendra mon tour de tirer ma révérence. En attendant, je garde mon intérêt pour le projet en changeant les approches (recyclages, renommages, censure) et, surtout, en évitant soigneusement de me mêler à tout ce qui peut ressembler à la communauté (que ce soit par choix comme sur le bistro, ou par incompétence crasse comme sur IRC). A voir la plupart des autres dinosaures wikipédiens et leur relative discrétion, je me dis que je ne suis pas seul à avoir eu ce raisonnement.


1: Si tu es une wikipédienne dans cette situation, n'oublie pas de m'envoyer un mail (avec photo).

samedi 28 juin 2008

Patrick est mort

Un message vu sur la page des demandes de restauration m'a laissé songeur. En substance, une dame demande à ce qu'on restaure l'article concernant son défunt mari, qui aurait été supprimé plus tôt cette année à la demande de leur fille. Madame apprécierait qu'il reste une trace du passage de son époux, fiche que ses amis pourraient consulter à l'occasion d'une pensée pour le regretté Patrick.

Bien que le message semble en fait devoir s'adresser à Copains d'avant (pas de trace d'article, et de toute façon s'il y a bien un moment où un article biographique peut être potable, c'est certainement après le décès du sujet), ce n'est pas la première fois que je vois des gens trouver une utilité tout à fait inattendue à Wikipédia (et je ne parle pas la de celle qui consisterait à tenter de se donner une légitimité ou se faire de la pub): j'ai vu passer des annonces de suicide, des devoirs scolaires (activité d'ailleurs pratiquée par au moins un admin qui envoie ses étudiant au charbon), et même une dame qui voulait savoir pourquoi le "truc qu'elle a[vait?] dans la tête" transférait sa mémoire sur internet (j'avoue que cette histoire, je ne m'en lasse pas).

Ayant eu une expérience similaire au travail -pas le machin dans la tête, hein, mais une dissémination inattendue d'une de mes oeuvres qui, suprême arrogance, m'a un jour donné l'impression d'avoir fait un truc utile - je me dis que la conclusion de tout cela est que la seule personne qui peut juger de l'utilité d'un document (article ou autre) est celle qui l'utilise, et ce quel qu'en soit l'usage final. Dit autrement, ça n'est pas parce qu'on n'a pas pensé à quelque chose que ça n'arrivera pas: on pourrait citer par exemple ce réseau résistant aux bombes nucléaires qui 40 ans plus tard permettra au quidam du XXIe siècle de surfer des sites cochons (ou des encyclopédies) à toute heure de la nuit (et du jour).

Dit encore autrement et plus proche du sujet qui nous intéresse, ce n'est pas parce qu'on ne comprend pas quelque chose et/ou qu'on n'en voit pas l'utilité que ça devrait disparaître de Wikipédia.

Et là je me dis: "merde, je deviens inclusionniste".

Rassure-toi, cher lecteur, ça n'a pas duré.

L'autre composante de Wikipédia (outre l'immense variété des sujets abordés), c'est sa proposition de fournir un contenu d'une qualité acceptable, car vérifié et protégé en permanence par ses utilisateurs. A l'exception des articles d'actualité, la probabilité qu'une page quelconque soit vandalisée est à peu près constante (le sujet le plus obscur pouvant être accédé grâce au lien "une page au hasard"). Sauf que les 10 millions d'articles disponibles ne sont pas surveillés de manière homogène: le maintien d'un niveau global d'exactitude des infos citées repose i) sur le nombre de patrouilleurs qui consultent ou surveillent un article et ii) de leur capacité à différencier une mise à jour anodine d'un vandalisme sournois.

J'entends déjà ceux qui botteront en touche en disant "de toute façon c'est bien marqué qu'il faut toujours croiser ses sources et que WP n'est que le point de départ d'une recherche". Certes, mais que faire quand le sujet est tellement spécialisé (ou le format tellement original, je pense ici surtout à certaines listes), que la seule source disponible est Wikipédia? A terme, la probabilité que cet article soit bourré d'âneries tendra vers 1 et, personnellement, l'intérêt de présenter un tel article se rapproche dangereusement de 0.

Conclusion: la vérifiabilité n'impose pas tant d'avoir des sources que d'avoir les gens capables de les contrôler. Et honnêtement, que ce soit pour des sujets déjà obscurs ou d'autres qui sont voués à le devenir (bonjour aux ex-candidats de la StarAc'), je me dis que ça n'est pas gagné.

vendredi 27 juin 2008

Que la lumière soit!

Finalement, un blog c'est comme un lien rouge: c'est une page blanche virtuelle qu'on se dit qu'il faudrait quand même remplir parce qu'on a plein de choses ultra pertinentes à dire sur un sujet. Alors, un jour, on se lance.

Et puis rien.

La page reste blanche, et de l'exaltation des grands espaces intellectuels à conquérir (ou de la Lumière à répandre, c'est selon), on se rapproche plus de la peur du plongeon de cinq mètres, comme lorsqu'à huit ans on se précipitait en haut de l'échelle pour impressionner les copains et réaliser, une fois arrivé, qu'on s'est peut-être un peu surestimé, mine de rien.

Bon. De toute façon j'avais déjà décidé que ça n'avait pas été une super semaine.