jeudi 11 novembre 2010

tl;dr

Bon bon bon, je viens de lire le dernier billet de l'ami Pierrot et je me dis qu'en fait je suis un grand incompris ou, à peine mieux, qu'il est malcomprenant. Au final c'est la même chose: je ne sais pas expliquer ce que j'ai en tête quand je parle de Wikipédia, et c'est mal (en tout cas pour un blogueur dont c'est le fond de commerce). En jeu apparemment, pour ceux qui n'ont pas suivi ou qui se sont endormis la dernière fois, la question de savoir ce à quoi doit ressembler un Article de Qualité sur ce projet1. Rien moins2.

Or doncques, je ressplique.

La première question, au XXe siècle, aurait été de se demander ce qu'est un bon article avant même de commencer à en rédiger un. Est-ce qu'un bon article fait le tour du sujet, ou est-ce qu'il le creuse? Ou les deux3?

La deuxième question, au XXe siècle, serait de savoir qui va rédiger notre bon article, et pour quel public? Dans un monde aux ressources matérielles limitées, quand on a cent ou mille pages disponibles il faut faire des choix et fixer quelques priorités - dès lors, et c'est heureux, Jésus prendra plus de place sur Britannica que ne le mériteront jamais les Beatles. Mais on parlera des Beatles, parce qu'on s'adresse a priori à un public de classes moyennes.

La conclusion, à ce stade, c'est qu'un bon article est celui qui nous en donne pour notre argent (de l'acheteur et du vendeur).

Au XXIe siècle wikipédien, fi de tout cela: les octets sont quasi-gratuits à stocker, pas chers à accéder, et une armée de bénévoles s'entre-corrigent et construisent sur la prose d'autres pour le plaisir4. On abandonne donc le principe de rendement pour celui de la finalité. Qui va lire tout ça? La réponse - et l'objectif - c'est tout le monde.

L'idée, donc, n'est pas de tirer à boulets rouges sur les AdQ ou de les entraîner vers le bas, mais plutôt de faire de bons articles sur des sujets importants, qui satisfassent les élites tout en restant accessibles aux masses ignorantes. Passons sur les élites - elles peuvent tout lire, l'ont lu, et d'ailleurs pensent que WP c'est très bien mais plein de fautes. Les masses ignorantes -j'en fais partie- n'ont au contraire pas lu grand chose, essentiellement parce qu'à l'heure actuelle il y a trop de choses à lire, entendre, regarder et tant d'autres à faire (travailler, jouer, donner du temps de cerveau à TF1; et puisqu'on est sur internet il faut aussi penser à écrire des mails, touitter, mettre à jour son statut facebook, voir des trucs idiots sur Youtube ou Powerpoint, etc.). Nos clients, c'est elles.

Au final, même si on a fait l'effort de chercher un article et qu'on commence à le lire, la concurrence est telle que le risque et réel que j'aille voir ailleurs si j'y suis avant d'avoir atteint la fin: tl;dr, c'est l'acronyme anglais de too long; didn't read - trop long, je n'ai pas lu. Avancée de la connaissance 0,2 - Société du divertissement 1.

Le temps est donc la dernière ressource qui ait une valeur (on est d'ailleurs rarement payé à la tâche, mais à l'heure ou au mois): celle qui va déterminer notre rapport qualité-prix.

Passé ce cap de la réflexion, on a déjà fini: un bon article, à ce niveau, n'est pas exhaustif; un bon article me permet de faire de tour du sujet dans une unité de temps raisonnable (5? 10 minutes?). Si je veux être exhaustif, la joie de l'internet - ou plutôt de l'hyperlien - me permet de littéralement creuser le sujet. Tiens, d'ailleurs Wikipédia y a déjà pensé, et utilise le modèle {{loupe}}:


L'idée est donc de généraliser cet usage pour chaque thématique. On objectera que cela risque de créer des divergences de contenu difficiles à gérer - je répondrais qu'on gère relativement bien un million d'articles et que, au final, tous les articles n'ont pas vocation à être ainsi saucissonnés: juste les gros. Rapporté au tout, on aura bien moins de sous-articles qu'on a de sous-catégories qui pour le coup, elles, paraissent hors de contrôle dans leur foisonnement sans que cela fasse tiquer personne.

Nous sommes tous la masse ignorante de quelqu'un d'autre. Ecrire un article qu'on n'aura pas le temps de lire, c'est intuitivement répondre à la question de savoir quelle taille est trop longue.


1. Je ne suis pas complètement certain d'assumer ce jeu de mot que je place donc en note de bas de page: est-ce que c'est bon parce que c'est long?
2. En fait je voulais surtout dans le billet que commente Pierrot parler d'Afrique, de francophonie, et de pragmatisme. Le pont sur les AdQ c'était juste histoire de mettre du Wikipédia dedans. Mais bon c'est pas grave, les AdQ c'est intéressant aussi.
3. Auquel cas l'article part en vrille?
4. Parce que ceux qui font ça pour rétablir la Vérité, parce qu'ils ont une Mission, ou je ne sais quoi de trop sérieux ont tendance à ne pas durer.

3 commentaires:

gribeco a dit…

Would you like to know more?

Le concombre masqué a dit…

"Le risque et réel que j'aille voir ailleurs si j'y suis avant d'avoir atteint la fin".

Je suis en complet désaccord avec toi : ce n'est pas un RISQUE, ce devrait être la norme. Dans mon esprit, un "bon article" c'est un article qui (bon, en ajoutant ses articles détaillés l'étendant) couvre le plus complètement possible un sujet, en plusieurs millions d'octets s'il le faut.

Et la bonne façon de lire un article, c'est de n'en lire que la section dont on a besoin - autant je comprends qu'un roman aux qualités littéraires, finement équilibré et tout et tout, a vocation a être lu d'un bout à l'autre avec concentration constante, autant je pense qu'un article d'encyclopédie est une sorte de bibliothèque et sa table des matières est une sorte de catalogue : chacun y vient chercher ce qu'il cherche.

Désaccord donc avec ton éloge de la concision.

P. Lechien a dit…

Au risque donc de repartir sans avoir trouvé ce que l'on cherchait?