mercredi 14 avril 2010

Coming out

J'écris -je commets- assez régulièrement des mémos inspirés pour les têtes pensantes qui me nourrissent. Pensez à une caserne de pompiers: une urgence arrive (il s'agit toujours d'une urgence, mot pour lequel je n'arrive pas à trouver d'antonyme), et hop, Popo dis-nous ce qu'on doit en penser: est-ce la fin de la civilisation occidentale telle que nous la connaissons, et que répondre à la presse assoiffée de sang (et de sexe, mais vu la tronche de mes n+2 et du N (majuscule) +3, elle restera sur sa faim à ce niveau)?

Quand un leader du monde libre (ou pas libre aussi, en fait), ou un grand capitaine d'industrie s'exprime avec assurance sur un sujet que rien ne justifie qu'il y connaisse quelque chose, voyez-y la main invisible de sherpas dévoués.

Bref, et que je me renseigne, et que j'essaie d'expliquer que non, ceux d'en face sont des méchants et pourquoi, le tout en 24h chrono parce que sinon tout le monde a oublié de quelle urgence on causait. Le premier réflexe est bien sûr d'aller voir ce que Wikipédia raconte, histoire d'être sûr que j'ai moi-même compris de quoi je m'apprête à parler. Jusqu'à récemment, c'était une information qui ne ressortait pas vraiment dans le produit final, ne serait-ce que parce que quand on justifie son monstrueux salaire par le fait qu'on sait tout sur tout, ça la fout mal de dire qu'ils pourraient se passer de mes services en usant de deux doigts de bon sens.

Et puis, épiphanie comme il m'en arrive assez régulièrement, je me suis aperçu que ma valeur ajoutée n'était pas dans le fait d'expliquer ce que tout le monde peut trouver par soi-même ailleurs: la faculté d'attention de mon lectorat étant limitée1, j'ai décidé de sauter les remarques liminaires et introductives en posant une courte définition et, en note de bas de page
Cf. http://en.wikipedia.org/wiki/nomdelurgencedumoment2.
Pour ensuite profiter de l'espace gagné pour mériter ma pitance en offrant analyse et (éventuellement) solutions.

Coïncidence ou pas, depuis que je me suis résolu à cet excès de franchise, je vois apparaître dans les présentations de collègues et chefs le même type de référence "According to Wikipedia, blablabla..." Ce qui prenait avant une demi-page ou deux diapos à expliquer est désormais expédié en cinq secondes.

En gros, nous utilisons tous Wikipédia dans le cadre du boulot, mais personne n'osait l'admettre. Une fois la brèche ouverte, on s'est aperçu de deux choses:
  1. Tout le monde glane ses infos de base sur Wikipédia, et tout le monde est d'accord que ces infos (en tout cas les exemples et définitions) sont globalement correctes;
  2. Que celui qui ne connaît pas Wikipédia ou ne l'utilise pas est soit un gros menteur, soit un gros naze qui fait perdre leur temps aux gens vraiment intelligents.
Le gain est quantitatif et qualitatif, et tout le monde est content: on entendrait pour un peu le gros soupir de soulagement, un peu comme ces gens qui sont tout angoissés du qu'en dira-t-on à l'idée d'annoncer qu'ils divorcent ou sont homos, et s'aperçoivent in fine que tout le monde est pareil, voire s'en fout.

C'était l'anecdote du mercredi sur comment Wikipédia est devenue une source de vulgarisation professionnellement acceptable.

1. Au delà de deux pages, personne n'a le temps de vous lire à moins que sa vie en dépende. Sur une page de discussion de Wikipédia, je dirais que c'est à partir de deux paragraphes.
2. Je précise que je travaille en anglais, n'y voyez donc pas un message subliminal sur la supériorité de :en vis à vis de :fr.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis complètement épatée par le message subliminal...
A part ça, on se nouRRit plusieurs fois et assoiffée prend deux F. :o)
Musicaline

Chandres a dit…

J'ai rien compris

P. Lechien a dit…

@Musicaline: corrigé.
@Chandres: oui, en fait écrire des billets au milieu de la nuit depuis son hotel n'est pas un talent à la portée de tous.

En gros l'idée c'est que tout le monde utilisait wikipédia sans oser l'admettre. Une fois qu'un courageux (ou feignant revendiqué) l'a admis, tout le monde l'a admis aussi. Je reformule tout ça en même temps que je corrige les typos.

Anonyme a dit…

moi j'avais compris :)

gede a dit…

Moi j'avais compris une chose : la n+1 est sexy. Par déduction...

Très bon billet, comme d'habitude !