dimanche 16 mai 2010

On a les héros qu'on peut

Si un jour en rentrant du travail vous veniez à passer par Ourguentch, capitale de la province du Khorezm ouzbek, vous ne pourrez manquer d'apercevoir une statue de plusieurs mètres de haut representant un fier guerrier. S'il y a quelque chose que j'ai appris de mes voyages à propos de quiconque trimballe une épée de 4m de long, c'est clairement (1) qu'il a une interessante histoire derriere lui, et (2) qu'il n'est pas utile de lui signaler que sa braguette est ouverte.

Ami lecteur, remonte ta braguette et prépare-toi à une intéressante histoire.

C'est incroyable ce qu'une pause bière au soleil peut fournir comme opportunités: nous avons rencontré un fort sympathique guide qui, dans l'attente oisive de son prochain chargement de touristes n'avait pas grand chose d'autre à faire que de partager son savoir et répondre à nos questions (gratos). Première info: le gentleman s'appelle Jalaloddin, et a été declaré héros national du Khorezm.

Et comme rien ne vaut un bon récit de voyage aux saveurs d'Orient, voici comment et pourquoi (version abrégée mais fidèle du récit du guide):

Vers 1220, Gengis Khan décide de s'essayer à un truc nouveau: la Diplomatie. Il envoie quelques centaines de marchands à Mohammed II, Calife/Shah/Roi1 du Khorezm susmentionné et voisin de son propre empire. Apparemment Momo faisait dans la mégalomanie, et se prenait rien moins que pour l'égal d'Alexandre le Grand. A la vue de ces pouilleux à cheval et comme quiconque avec un peu d'ego se conduirait face à des gens dont il n'a jamais entendu parler, il fait la seule chose censée pour l'époque: massacre général, et renvoi de la tête de l'ambass' à son mandataire.

Au vu du résultat, Gengis décide que la diplomatie n'est pas son truc et reprend les bonnes vieilles méthodes.

Un dimanche en campagne, circa 1220.

Le Khorezm est mis à sac, la capitale rasée. Le père de Jalaloddin, pas joueur pour deux sous, prend la fuite et meurt sur une île de la Caspienne.

Maintenant je ne sais pas pour vous, mais si j'étais un prince héritier à la tête d'une armée encore un peu vaillante, j'appellerais cela une sacrée opportunité de carrière. Jalaloddin rassemble donc ses troupes et inflige une défaite à une armée mongole qui passait par là. Rien que ça.

Et c'est là que ce qui s'annoncait plutot bien commence à aller assez mal. Il y a dispute sur le butin qui, quand on massacre des hordes de mongols, consiste essentiellement de chevaux ou de maillots du PSG. Tout le monde en prend un bout et, quand les susmentionnés mongols reviennent pour la revanche, Jalaloddin se retrouve avec 300 hommes. Homme de panache, il fait jeter sa mère, sa femme et ses enfants dans le Sindh voisin plutot que de les laisser capturer (ou pire).

Puis il massacre des mongols. Plein. Dernier homme valide de son armée, il saute alors dans le fleuve lui aussi. Sauf que comme il sait nager, il joint l'autre rive et, levant un poing vengeur, s'écrie:

"Je reviendrai!"

Ce à quoi Gengis Khan ne trouve rien moins qu'à répondre :

"Chiche! Si j'avais un fils comme lui, le monde serait à moi!"

Sacré duel de couillus en perspective.

Sauf que les Mongols ont pris soin de massacrer jusqu'au dernier tous les habitants des villes s'étant ralliées à Jallalodin après sa première victoire. Du coup, les autres empires et royaume du coin sont plus enclins à temporiser qu'à prêter assistance au héros Khorezien. Celui-ci erre comme une âme en peine et meurt assassiné, sans avoir pu disputer la belle.

Bon.

Il se trouve que Wikipédia, comme on pouvait s'y attendre, a un article sur Djalaloddin, qui s'appellerait d'ailleurs Jalal ad-Din2 (un bout sur son père ici). Il s'avère que la source du conflit était un peu plus compliquée, qu'il était beaucoup moins impressionnant que cela dans ses victoires, et que lui-même ne mégotait pas sur un massacre de masse de temps à autre. Pas de trace de l'échange de répliques.

Et Commons n'a pas de photo de la statue. Et je n'en ai pas prise, pensant qu'elle y serait.

Quels connards, ces guides.



1. J'ai oublié son titre. Mais on va dire qu'il était le chef.
2. Sachant que l'orthographe donnée par les locaux et le musée visité est celle que j'ai utilisée, je serais curieux qu'un professionnel ès-diacritiques et autres transcriptions de langues exotiques m'explique cette inconsistance apparente (en dépit de sa formulation, la question n'est pas complètement ironique).

5 commentaires:

Coyau a dit…

Ne me dis pas… Tu visites Nanarland ?

Litlok a dit…

Vu que l'article de Wikipédia n'a aucune source, il est possible que ce soit quand même le guide qui ait raison ;)

Anonyme a dit…

le doute, prend TOUJOURS au moins une photo :)

Anonyme a dit…

Avoue donc que tu as fait exprès pour qu'on se cotise afin de te renvoyer là-bas pour la prendre, cette photo ! :o)
Bon courage pour la reprise.
Musicaline

Julien a dit…

Tu confonds : le grand héros « khorezien » c'est lui. Jalal ad-Din est khorezmien (anciennement chorasmien).