mardi 1 juillet 2008

Tongue police

L'expression est anglo-québecoise (elle viendrait de Mordechai Richler, auteur canadien qui n'a jamais ménagé son drolatique mépris pour les uns (les juifs montréalais) et les autres (les québecois, voire le monde en général)) et m'avait à l'époque beaucoup fait rire. J'avais au départ songé à intituler ce billet d'un pompeux "Surveiller et punir", mais ayant lu Richler et pas Foucault, je fais avec les moyens du bord.

Une des tendances lourdes que j'ai pu observer -disons à la louche depuis courant 2007- parmi les admins consiste à vouloir s'assurer que certaines limites de la bienséance ne sont pas dépassées. Gros mots et coups de gueule (s'ils contiennent un langage un tant soit peu vulgaire, voire sarcastique) sont désormais proscrits, ce qu'en langage wikipédien nous traduirons par l'équation

"Gros mots (x,y) proférés à l'endroit z = compte bloqué".

Ou x et y sont contenus dans tout bon San-Antonio et z est n'importe quelle zone de discussion de l'encyclopédie, y compris le Bistro (qu'on ferait dès lors mieux de renommer Salon de thé).

Si l'intention est louable (participer est un hobby, personne n'ayant l'idée de venir contribuer de son savoir pour finir traité de x qui devrait aller se faire y), je me demande quand même qui fixe cette limite de bienséance, où il la fixe, et de quel droit.

Je n'ai pas de réponse à ces questions. Empiriquement je dirais 1) le premier qui frappe, 2) au plus petit commun multiple (à savoir dès qu'un mot ou expression est soit ironique, soit absent du dictionnaire et donc "grossier") et 3) du bon droit.

Je n'ai pas non plus vraiment de solution à apporter, sinon qu'un peu de bon sens et de tolérance devraient être la norme sans pour autant laisser voler les noms d'oiseaux: nous ne sommes pas des saints, et si quelqu'un me traite d'abruti j'essaie quand même de me demander ce que j'ai fait pour l'y pousser (et de toute façon il faut toujours parler aux cons, dans l'espoir (ténu) que ça les instruise). Le conflit est une forme d'échec de la pensée et activer l'option nucléaire au moindre dérapage, outre qu'il dévalorise cette option et celui qui l'utilise, ne permettra à aucun des deux protagonistes d'apprendre quoi que ce soit de l'échange.

Il doit bien y avoir moyen de laisser place à quelques échanges virils sans pour autant recourir à la censure systématique ni transformer les espaces de discussion en cour de récré. Ou suis-je ici trop optimiste?

8 commentaires:

Grrraou a dit…

Je suis rassuré de voir que tu continue. On est de toute façon très différent, moi j'ai lu Foucault et pas Richler. :-) Ceci dit, je crois qu'à mon tour je dois avouer que j'aurai pu écrire ce billet...

Anonyme a dit…

Laisser passer ces commentaires, c'est laisser s'installer une ambiance de chiottes où tout le monde s'insulte, comme sur 99% des forums internet ouverts, et d'où les participants sérieux fuient. Très peu pour moi ; Wikipédia a survécu jusqu'ici sans ces écarts de langage, et on peut s'en passer.

Si un participant veut pousser une gueulante, il peut ouvrir un blog (tiens) ou passer ses nerfs sur IRC. Ça permet de garder un wiki à peu près calme et propre.

P. Lechien a dit…

L'ambiance de merde peut aussi s'installer parce qu'on a l'impression de ne plus pouvoir rien dire de négatif sans se faire bloquer. Wikipédia s'est développée parce que personne n'en avait rien à faire de l'avis des autres et ne s'en formalisait pas. Le fond cède le pas à la forme, àmha.

Hégésippe a dit…

« L'ambiance de merde peut aussi s'installer parce qu'on a l'impression de ne plus pouvoir rien dire de négatif sans se faire bloquer. »

Tout dépend comment on dit les choses. « Recourir à la voix du Bouffon » ou « emprunter la voie du Bouffon » (au choix) n'est pas forcément la meilleure façon de se faire entendre.

Cela dit, en dehors des cas où l'on fait le constat – exprimé de manière précise et factuelle, et sans écart de langage – de dérives guère acceptables, je souscris parfaitement à l'opinion de gribeco sur l'ambiance qui règne « sur 99% des forums internet ouverts ».

P. Lechien a dit…

En fait je me rends compte que vous avez tous deux raison, mais d'un autre côté, à vouloir héberger un forum qui ne dit pas son nom il faut bien en accepter le corollaire. Ou alors, comme sur le BA, éliminer toute intervention qui ne soit pas directement liée à la maintenance ou l'amélioration de l'encyclopédie. Genre:
Post1: problème.
:Rep1: solution
::Rep2: complément
:::Rep3: déconnage ou considération philosophique ->effacé

Anonyme a dit…

J'ai l'impression que personne n'a porté attention à mon argument : à savoir qu'il s'agissait d'un bref échange sur le bistro (qui est comme tu le dis, "un forum qui ne dit pas son nom") et que les deux protagonistes ne sont en rien problématique dans l'espace encyclopédique...

P. Lechien a dit…

euh, j'ai pas vu où tu as posté cet argument, mais oui.

Anonyme a dit…

Sur le BA : http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Wikip%C3%A9dia:Bulletin_des_administrateurs/2008/Semaine_27&diff=31189270&oldid=31188569