lundi 15 février 2010

Ma vie avec le balai

Suite à un « léger » appel du pied de Popo1, je fais écho à cet excellent billet de mon camarade Erdrokan pour vous faire partager mon expérience du poste d’administrateur sur la wikipédia francophone.

Mon cas est probablement un petit peu particulier : administrateur pendant près de deux ans, j’ai rendu mon balai, clôturé mon compte et suis reparti sous un nouveau nom. Après quelques mois de vie sous cette nouvelle identité et au vu de quelques discussions actuelles au sein de la communauté, il me semble pertinent2 de déposer ici quelques réflexions à ce sujet livrées sous la forme d’un témoignage.

Lorsque je me suis présenté comme administrateur, les conditions d’admission dans la cabale étaient largement plus cool que maintenant : l’acte de candidature se faisait quasiment naturellement après plusieurs mois de présence continue et était soutenue par quelques dizaines de contributeurs dont le principal commentaire ressemblait à « jamais rencontré, mais bon courage ! » ou quelque chose d’approchant. Autant le dire tout de suite, une candidature telle que celle que j’avais présentée alors n’aurait aujourd’hui strictement aucune chance de passer la rampe3.

Nanti de mes supers-pouvoirs, j’ai ensuite découvert la magie des pages de demandes communautaires. Sans me spécialiser dans un domaine particulier, je suis allé grappiller des requêtes à gauche à droite tant dans les purges d’historiques, les demandes de bloquage, les protections… bref, la routine quoi. Le problème dont je me suis rapidement rendu compte, c’est que ces activités me prenaient de plus en plus de temps, au détriment des articles (le temps disponible pour WP n’étant pas extensible) ; ayant alors l’impression d’être plus utile dans ce rôle, j’ai mis de côté la rédaction pour faire le ménage et jouer pour moitié au flic et pour moitié au surveillant de cour de récré.

C’est après quelques mois de ce genre d’activités que j’ai reçu les premiers messages d’utilisateurs mécontents (d’une suppression d’article de fiche, d’un bloquage de compte, voir même d’une intervention n’ayant aucun rapport avec mes activités d’administrateur). Légèrement inquiet devant cette nouvelle forme de communication, j’ai farfouillé un peu sur les pages de discussion et ai découvert que ce genre de messages semblait être le lot commun des administrateurs : j’ai donc fait mon poing dans ma poche et ai laissé couler, espérant que cela se calmerait. Peine perdue : les messages peu amènes ont fait place aux insultes que je ne contrôlais qu’en vidant à intervalles réguliers ma page de discussion4.

Une liste de suivi de plusieurs dizaines de milliers d’articles (grâce au gadget qui permet de suivre automatiquement toute page sur laquelle une modification est apportée) occupe largement son homme : vérifier quelques centaines de modifications quotidiennes, reverter, corriger, modifier, préciser ou demander des précisions, répondre, voici en quelques mots mon lot quotidien pendant près d’une année. Mon impression d’alors était d’être un peu seul au monde, n’étant pas sur IRC et m’occupant de thèmes politiquement peu visible5. Aujourd’hui, je pense que le risque principal de ce genre d’activité (outre une certaine proportion à considérer toute modification comme suspecte par défaut) réside dans le manque de recul dans les réactions et le côté jeu en temps réel. Quoi qu’il en soit, ''the show must go on'' et on continue encore et encore6.

Et puis, un après-midi, suite à une prise de tête sans grande importance, je me suis retrouvé, tout en faisant mes courses dans un supermarché, en train de rédiger dans ma tête un texte de démission. Je suis retourné à la maison, j’ai jeté ce texte sur ma page utilisateur, je suis allé demander le retrait de mes droits d’admin et j’ai utilisé la méthode magique pour partir. Tout cela m’a pris quelques minutes à peine et n’a pas été réfléchi, ni n’a pas répondu à une quelconque stratégie. Que dalle. J’ai juste pété un câble et ai décidé que cela suffisait.

Dans les jours qui ont suivi, plusieurs pleureuses7 sont venues s’étendre sur ma page de discussion en assurant que l’encyclopédie venait de subir une grosse perte, que cela ne serait plus jamais comme avant, que la fin du monde était proche8. Le seul de ces commentaires qui m’ait fait sourire lorsque je suis retourné sur cette page plusieurs mois plus tard est celui d’une IP qui se réjouissait de ce départ et ne regrettait que le temps que j’avais mis pour prendre cette décision… ambiance !

Après ça, ben je suis revenu. Avec un nouveau compte tout neuf, j’ai commencé à créer des articles. À en reprendre d’autres. À travailler sur des projets. À chercher de la documentation. En 5 mois, je me suis abonné à une dizaine de revues, j’ai renouvelé ma carte de bibliothèque qui était échue depuis plus d’une année. J’ai fait 150 km un samedi après-midi pour aller acheter un vieux bouquin trouvé sur eBay. Grosso-modo, le nombre de contributions quotidiennes que j’ai avec mon nouveau compte est équivalent à l’ancien ; la différence ? Je n’ai jamais été insulté et pratiquement pas remis en cause par d’autres utilisateurs. Le fait est : en tant que simple contributeur, je ne peux être taxé de censeur… et bénéficie donc d’un à priori positif de la part des professionnels de la victimisation. Ça paraît idiot, mais c’est un fait. Après avoir reçu un mail dans lequel un contributeur me mettait en garde contre le pouvoir occulte de certains administrateurs (noms et détails à l’appui)9, j’ai perdu les rares illusions que j’avais encore… les administrateurs sont et resteront les méchants dans le folklore wikipédien !

Alors ? Quelle est la conclusion de tout cela ? Franchement, aucune idée. J’ignore si mon cas est significatif, j’ignore si ces impressions ont été/sont/seront partagées et, honnêtement, je m’en fous un peu. Je ne suis pas là pour pontifier ou pour donner des bons conseils, ni pour pointer du doigt une organisation, un groupe ou un fonctionnement. J’espère simplement que peut-être ces lignes éveilleront un écho chez certains, ou, pourquoi pas, un sourire chez d’autres …

PS : Je suis certain qu'une bonne partie des lecteurs de ce blog n'aura aucun problème à deviner qui se cache derrière ce pseudonyme à usage unique. Le but n'est pas de garder le secret, mais d'éviter de remuer la poussière maintenant bien cachée sous le tapis en associant des noms d'utilisateurs qui n'ont pas à l'être. Merci à tous de bien vouloir respecter cette volonté.



1. celui qui a pensé de la patte de Popo est prié de sortir. De suite.
2. c'est mon avis et je le partage. Qu'on se le dise.
3. à savoir : aucun message sur le bistro, pratiquement aucune demande communautaire, pas d'ennemi déclaré, pas (encore) de rencontres IRL.
4. loi de l'admin : le nombres de messages disgracieux sur une PDD augmente exponentiellement par rapport à la taille de la page.
5. et aussi, il faut bien le reconnaitre, parce que pas mal d’autres contributeurs préféraient attendre et me laisser monter au front plutôt que d’y aller eux-même
6. celui qui a pensé que « ce n'est que le début d'accord, d'accord » est prié de rejoindre son petit camarade de la note 1.
7. avec qui je n’avais jamais échangé un octet pour la plupart et dont j'ignorais jusqu'à l'existence
8. entre autres et dans le désordre
9. non, désolé. Je ne garde pas ce genre de torchon.

6 commentaires:

Ludo a dit…

:)

P. Lechien a dit…

\o/

Chandres a dit…

:-P

Anonyme a dit…

:(

pour le petit 9, c'était pas Drac par hazard ? (qui s'est fait bannir après avoir menacé d'aller porter la Vérité à tous les nouveaux comptes par mail)

kimdime a dit…

Je suis un administrateur zombie, je ne participe pratiquement pas aux taches de mantenance et me contente d'utiliser les outils quand j'en ai besoin dans mon travail d'éditeur. Personne ne m'emmerde et je bosse mes articles dans mon coin.
Je pense que ce n'est pas le fait d'avoir les outils d'admins qui est source de problèmes, c'est le fait de s'occuper des cas sociaux qui sévissent sur WP qui l'est. Ceci dit, je ne rend pas les outils parce que je me dis d'une part qu'être admin c'est juste avoir des outils supplémentaires, que ce n'est pas apartenir à une caste et que dans un monde idéal tout le monde pourrait disposer de ces outils, et puis que le peu que je fais, c'est déjà ça de moins à faire pour les autres.

Conclusion: ne rendez pas votre balai, changez juste vos domaines d'intervention.

Anonyme a dit…

"outre une certaine proportion à considérer toute modification comme suspecte par défaut" <= c'est propension, pas proportion