mardi 19 avril 2011

Plus c'est gros plus c'est beau


Il fait vraiment de meilleures photos votre appareil ?

Voilà une question que l'on me pose régulièrement en marge d'une manifestation sportive ou lors de toute autre occasion me permettant d'exhiber, dans une indécence rare, mon phallique téléobjectif 300 mm f/2.8. Curieusement, on me la pose nettement moins souvent à un mariage ou un concert à propos de mon 50 mm f/1.4 et pourtant, c'est tout aussi fondamental. Je pourrais répondre que ce n'est pas le matériel qui compte mais ce serait mentir et oublier que les photographes, avec leurs discussions sans fin sur la supériorité de telle marque, boîtier ou optique, sont les premiers responsables du raccourci voulant qu'un bon appareil fasse de belles photos. Le présent billet traitera donc du matériel photo et tentera de répondre à la double question "Dois-je changer d'appareil? Si oui, lequel acheter?"




Qu'est-ce qu'un bon appareil photo ?

La photo à 10'000 balles (francs suisses ou euros, c'est bientôt pareil).
Je vous le donne en mille: un bon appareil photo fait correctement ce que vous lui demandez de faire.

D'un point de vue purement technique, plus les conditions de lumière sont favorables et le sujet fixe, moins la nécessité d'avoir du matériel haut de gamme se fera sentir. Si vous ne faites que de la photo en extérieur par beau temps, que vous n'avez pas l'intention de diversifier votre pratique et que vous êtes satisfait des images délivrées par votre compact, n'en changez pas.

Les choses se compliquent avec la photo en basse lumière (musée) et/ou sujets qui gigotent (concert, sport d'intérieur ou de nuit). C'est dans ces conditions que les compacts trouvent leurs limites: équipés d'un plus petit capteur, leurs photos sont plus bruitées que celles d'un reflex à sensibilité et définition égale; l'ouverture maximale de leurs objectifs est souvent faible, ce qui permet de faire entrer moins de lumière à la fois et oblige à des temps de pose plus longs (d'où un risque de flou, surtout si le sujet est en mouvement); enfin, même si de gros progrès ont été réalisés ces dernières années, ils conservent une latence au déclenchement qui peut faire rater une action décisive.

Pour savoir si vous avez un réel intérêt à changer d'appareil photo, il faut donc vous demander si un autre boîtier remplirait mieux les missions que vous comptez lui confier, dans une mesure qui corresponde aux prix que vous allez y mettre.

Là, vous avez l'embarras du choix et la seule personne à pouvoir répondre à cette question, c'est vous. La dichotomie "compact pour bobonne et les enfants vs. reflex pour les gens sérieux", si elle fût jamais valable, est révolue et le meilleur n'est pas forcément le plus cher. Je vais donc faire le tour des avantages et inconvénients de chaque famille.

Un petit recadrage (hu hu hu) avant de commencer. La moindre croûte embarque aujourd'hui une quantité d'électronique qui pourrait faire croire que le traitement du signal permet de tout résoudre. C'est oublier un certain nombre de limites physiques dont on ne s'est toujours pas affranchi, parmi lesquelles:
  • La taille du capteur. Je ne parle pas ici du nombre de millions de pixels, mais de ses dimensions physiques. À définition égale, les photosites d'un grand capteurs sont plus gros et le bruit sera moindre. Voir à ce sujet cet excellent article de Mr Jastow. Cette donnée a également une influence apparente sur la profondeur de champ.
  • Le diaphragme. Son ouverture se définit relativement à la distance focale: un diaphragme ouvert à f/2.8 a un diamètre égal à la distance focale divisée par 2,8. Un téléobjectif à grande ouverture aura donc fatalement un diamètre (et donc un volume et un poids) conséquent.
Téléphone portable
Je ne ris pas. Couplé à une connexion 3G, sa réactivité n'a pas d'égal. Côté désavantages, l'objectif est de piètre qualité et mal ou pas protégé contre la crasse et les rayures.

Appareil photo compact
L'offre est pléthorique et même les appareils d'entrée de gamme donnent des résultats très honorables lorsque les conditions lumineuses sont bonnes. Ils forment un bon complément à un boîtier plus volumineux, on peut les balader partout pour saisir des instantanés et expérimenter des pratiques risquées.


Vie et spontanéité
Le choix sera un peu plus compliqué pour ceux qui désirent un compact comme boîtier principal y compris pour des photos d'intérieur (conférences ou musées par exemple). Ils auront avantage à chercher un modèle qui autorise un certain nombre de réglages manuels (ouverture du diaphragme et vitesse d'obturation) et dont le diaphragme conserve une ouverture correcte en longue focale. Les dimensions physiques du capteur permettent de se faire une idée du bruit en haute sensibilité.


Ce format a eu son heure de gloire au milieu des années 2000, lorsque le prix des réflex numériques était prohibitif. Les bridges sont équipés d'un capteur un peu plus grand que la plupart des compacts et d'un zoom non interchangeable, ce qui les rend peu sensibles à la poussière. La présence de réglages manuels directement sur le boîtier en fait de bons appareils d'initiation. Pratiquement aussi encombrants que les plus petits reflex, ils sont toutefois moins polyvalents et celui qui prend goût à la photo se sentira vite limité dans sa créativité.

Compact à objectifs interchangeables
Contrairement aux autres familles, seules trois marques sont actuellement présentes sur ce marché qui avait disparu au début des années 1980. Olympus et Panasonic l'ont remis au goût du jour avec le système Micro 4/3, puis Sony a lancé une gamme concurrente (la gamme NEX) équipée d'un capteur plus grand, identique à ceux équipant la plupart des boîtiers reflex hormis les plein format.

Ces appareils sont un peu plus lourds et encombrants que les compacts mais moins que les reflex tout en offrant une grande qualité d'image même en basse lumière (surtout les Sony, aussi bien équipés que les reflex à ce niveau). Ils ont en plus l'avantage de la discrétion. Ils conviennent bien au reporter de rue et au voyageur sac à dos.

Appareil photo reflex
Prêt pour le grand saut?
C'est encore le format le plus répandu et ce n'est pas pour rien. À part sur certains modèles très simplifiés, la plupart des réglages peuvent être définis manuellement directement sur le boîtier. La taille de leurs capteurs, de 24 à 36 mm de côté, permet une grande qualité d'image même dans de mauvaises conditions. La gamme d'objectifs disponibles permet de couvrir la quasi totalité des pratiques et sujets et l'obturateur mécanique reste (mais jusqu'à quand?) plus réactif que l'obturateur électronique des autres familles. Les modèles d'entrée de gamme offrent un bon rapport qualité-prix et le marché de l'occasion est bien fourni.


Lumière pourrie et sujet agité ne vous empêcheront
 plus d'en mettre plein la tronche à belle-maman.
Les inconvénients sont à l'échelle des points forts: lourds, encombrants, ils sont un frein certain à la spontanéité. La pléthore d'accessoires disponibles rend par ailleurs le choix difficile pour les débutants qui n'ont pas encore bien cerné leurs aspirations.

Un mot à ce sujet: à tort ou à raison, l'acquisition d'un reflex passe pour la conséquence classique d'une pratique assidue de la photographie. Le risque est alors grand de se lancer dans une course à l'armement et d'acquérir des objectifs ou accessoires qui s'avéreront mal adaptés à ce que vous voulez faire. Pour cette raison, je conseille généralement de s'en tenir à un boîtier d'entrée de gamme et un ou deux objectifs en kit, le temps de cerner vos envies: paysage (oh, le beau 20 mm f/2.8), concert (focale fixe à très grande ouverture), sport (70-200 mm f/2.8), portrait (85 et 135 mm), reportage de rue (35 et 50 mm) BIF1 (70-400 mm f/4-5.6), macro (100 mm macro)2.



1 Bird In Flight
2 Je signale à ce sujet que toutes les espèces d'insectes en phase de copulation intra- et interespèce sont déjà représentées (et labellisées) sur Commons.

2 commentaires:

Coyau a dit…

Tu oublies l'argentique. il existe encore des irréductibles qui veulent payer la pellicule et le labo en plus de leur matériel, je pense à ce gardien du jardin de Versailles qui a lâché son réflexe numérique pour un boîtier Diana (en plastique, très vintage) et qui fait de la lomo (il a aussi la coiffure de Wolverine, et je ne suis pas si certain que ça que ça n'ait pas de lien).

Et puis, pour faire le jacky, il reste les moyen-format.

Anonyme a dit…

Je pratique la photo depuis plus de quarante ans (Rétinette, Rollei, Canon, compact etc.) Parallèlement je dessine (portrait, paysages urbains, nus modèle vivant en atelier). Je suis d'avis que ne dessine pas avec la main ou le médium ; on ne photographie pas avec un appareil, ni avec l'oeil. On photographie et on dessine avec son cerveau. Par suite, les discussions sur les téléobjectifs phalliques, les positions du photographe exhibitionniste notamment dans la prise de vie "portrait" avec le bras droit à l'horizontale ... tout ça c'est du pipeau.
Comme la Harley-Davidson, comme le VTT à fourche télescopique, le reflex avec téléobjectif, n'est qu'une prothèse. Mais, en définitive, si ça rassure l'ego, c'est bien.