vendredi 15 mai 2009

Vérifiabilité ou vérité

La consultation aléatoire de Wikipédia amène souvent des surprises, généralement bonnes, et parfois des découvertes un peu plus déconcertantes. C'est ainsi que j'ai "appris" que les Anciens Égyptiens ne crachaient pas sur une petite cigarette voire un rail de coke de temps à autre, et que si on chauffe et compresse fer et carbonate de calcium assez longtemps on peut obtenir... du pétrole. Deux assertions suprenantes mais proprement documentées dans des publications à comité de lecture. Je pourrais aussi parler de Mirko Beljanski ou du Kombucha, pour ne citer que deux autres sur lesquels je garde un oeil inquiet et qui peuvent se targuer d'au moins une publi évoquant le sujet.

Bon.

DocteurCosmos évoquait cette semaine un rapide et pourtant intéressant échange sur le Bistro où l'on parlait vérifiabilité et vérité (voir les trois derniers paragraphes de la section): en gros, que fait-on des âneries que l'on trouve et qui sont proprement référencées? L'idée qui semblait émerger est que si une idée est totalement marginale celle-ci n'a pas vocation à etre citée, et ce quels que soit les efforts de référencement proposés. Solution a priori de bon sens, sauf que Wikipédia étant ce qu'elle est, on peut être sur qu'un article dédié réapparaîtra sous peu - signant par là l'échec de la solution de facilité. Sans compter que ce n'est pas en censurant les pseudo-sciences qu'on les fera disparaître. Dès lors le laisser l'article vivre sa petite vie et documenter ou indiquer le peu d'écho reçu me paraît être une forme de limitation des dégâts acceptable, voire préférable1.

On fait dès lors face à deux problèmes:
  1. Il est paradoxalement difficile de documenter le fait qu'une idée ou théorie n'est pas reprise;
  2. Comme le souligne GL sur le bistro, on a "un gros décalage entre la motivation de ceux qui veulent caser leur lubie et celle de ceux qui seraient suceptibles de leur répondre sérieusement".
Pour le premier point, il est relativement facile de pointer, pour les cas scientifiques, vers l'absence d'articles issus d'équipes autres que celle à l'origine de la théorie problématique; il me semble que c'est ce qui est arrivé à Jean-Pierre Petit et sa théorie des univers jumeaux: un simple lien en note de bas de page vers une base de données du milieu listant les articles rédigés par Petit et le nombre de fois ou ceux-ci sont cités permet à tout un chacun de se dire que, effectivement, ça n'est pas la gloire.

Pour le deuxième point, j'avoue mon manque d'enthousiasme quand à devoir passer plusieurs heures sur une recherche bibliographique (incluant l'éventuelle commande d'articles) pour démontrer par A+B que le protocole utilisé est complètement bancal2. La partie adverse, avec le zèle des convertis qui caractérise souvent ces personnes, à dès lors beau jeu de mener une guerre d'attrition en jouant et abusant par exemple de la méthode hypercritique.

Tout ça pour dire que je suis un peu à court de ressources: si je commence à me résoudre à l'idée de réintégrer discrètement une mention sur les Égyptiens cocaïnomanes et le pétrole abiotique dans les articles principaux, ne laissant qu'une note de bas de page indicative sur le sujet (et supprimant l'article "ésotérique"), je me sens un peu plus démuni quant à la gestion sur le long terme des articles du type Beljanski et Kombucha, qui sont suffisamment connus du grand public pour susciter un trafic significatif et un suivi de fidèles motivés.

On revient donc à la case départ: comment documenter le non-documentable, et comment s'assurer que celui-ci reste sous contrôle?


1: J'avoue par ailleurs sens être un peu partagé vis-à-vis de la suppression du modèle "Prudence médicale" qui indiquait "Nous mettons en garde le lecteur sur le contenu de cet article : les méthodes ou les produits proposés dans ce texte n'ont pas pour vocation de guérir des maladies. On peut les considérer comme des aides complémentaires aux traitements médicaux ou comme des apports supposés utiles pour leurs effets bénéfiques sur la santé." Pas vraiment optimal, mais il y a des fois où l'on se dit mieux vaut trop que pas assez.
2: Effet pervers du besoin de sourcer et d'éviter les travaux inédits ou arguments d'autorité.

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