vendredi 18 mars 2011

Je suis plein d'énergie pour écrire

L'accident nucléaire qui se déroule en ce moment même au Japon fait beaucoup parler de lui. Son traitement médiatique pourrait-être un bon sujet de billet, peut-être plus tard. Là je souhaite plus évoquer une volonté importante qu'a la population de sortir du nucléaire et les problématiques énergétiques de nos sociétés.

En 2005, le nucléaire civil fournissait 45% de l'électricité en Suisse, 79% en France, 28% au Japon, 46% en Suède, 19% aux Etats-Unis, 20% au Royaume-Uni, 26% en Allemagne, etc. (chiffre de l'Agence internationale de l'énergie). On le voit, de nombreux pays industrialisés ont une certaine dépendance vis-à-vis de la fourniture d'électricité par la filière nucléaire. Sur le total mondial, c'est 15% de l'électricité qui est générée par ce vecteur. Ce n'est pas une part très importante, ce n'est pas une part négligeable. Les barrages hydroélectriques fournissent 16,4% de l'électricité, le fossile occupant pratiquant tout le reste (gaz, pétrole, charbon).

Ainsi, fournir de l'électricité à des marchés très denses comme l'Europe ou le Japon c'est faire la part des choses entre un développement du nucléaire et un développement du fossile. Je précise que les Alpes sont globalement saturées en termes de sites potentiels pour des barrages. Aucune des deux solutions (nucléaire et fossile) n'a très bonne presse. Avant mars 2011, le nucléaire véhiculait principalement cette peur sur la gestion des déchets, maintenant on rajoute aussi la peur de l'accident grave dans un pays occidental (je nuance ici Tchernobyl). Le fossile, les pays occidentaux ont pour la plupart ratifié Kyoto (au Japon, ironie ...), ils sont donc plus que réticents à autoriser des constructions de centrales, synonyme d'un accroissement des rejets de CO2.

La demande d'électricité augmente, le parc de production vieilli, il faut le renouveler, mais aucune solution n'est politiquement acceptable. Impasse décisionnelle pour un décideur. En fait si, il existe une solution toute simple : décupler le prix du kilowatt électrique. Un bien de richesse sera obligatoirement moins consommé, plus économisé. Petite provocation pour attirer l'attention sur le fait que sortir du nucléaire civil c'est obligatoirement diminuer drastiquement notre consommation d'électricité. Les industriels travaillent sur le sujet depuis longtemps, les appareils à basse consommation sont légions. Mais bon le consommateur achète de plus en plus et donc, consomme de plus en plus. Ce que nous gagnons d'un coté, nous le perdons de l'autre.

En fait, une solution pourrait être de faire comme les cigarettiers. Fumer est dangereux pour la santé et la santé des autres, consommer de l'électricité est dangereux pour ma santé et celle des autres. Par mon acte d'allumer un appareil électrique, je mets potentiellement ma vie et celles d'autres personnes en danger. Comme les cigarettiers ? Je m'imagine bien acheter mon billet de train aux CFF ou à la SNCF et avoir sur le billet la photo d'un enfant de Thernobyl ou d'une ville rasée par la rupture d'une barrage. La même chose sur ma facture d'électricité, sur l'achat de mon nouvel ordinateur, etc. De la sorte, nous adopterions un mode de vie en cohérence avec notre discours. On ne veut pas de centrale dans notre jardin, dans ce cas on ne consomme pas.

12 commentaires:

Aude a dit…

Tout à fait d'accord. Le problème est peut être finalement moins la production d'électricité via le nucléaire que le gaspillage énergétique. (dit-elle en se servant d'un ordinateur qui pompe sur le secteur...)

Anonyme a dit…

En fait les messages négatifs ne marchent pas, les gens faisant plutôt dans le déni de mauvaise nouvelle: un fumeur à 1 paquet/jour voit les avertissements près de 7500 fois/an, et pourtant peu essaient d'arrêter.

Je discutais une fois avec un gars qui justement avait bosse en Angleterre pour British Energy: ils avaient développé des "compteurs intelligents" qui indiquaient la conso par rapport aux voisins. Et là, miracle, tout le monde s'est mis à vouloir faire mieux. Je ne soiviens pas des chiffres, mais le résultat était impressionnant. Du coup ça passe au niveau national.

Huesca a dit…

La solution que tu proposes (je ne parle pas des images sur le billet de train, mais de l'augmentation radicale du prix) est la seule envisageable. Problème : l'inégalité des revenus risque d'entraîner une inégalité dans l'accès à l'énergie, ce qui n'est que relativement peu le cas aujourd'hui en zone développée. A mon avis, la solution serait de fonctionner selon un système de seuils, bien adaptée à l'électricité comme au gaz de ville et à l'eau, du fait de l'alimentation via un compteur par logement : en fonction du nombre d'occupants du logement, les premiers kilowatts sont à un prix accessibles pour tous (autrement dit : subventionné), ensuite, plus tu augmentes ta consommation plus c'est cher, jusqu'à devenir franchement inabordable (ce qui permettrait en outre de financer la subvention des premiers kilowatts). Un peu comme si la première cigarette coûtait moins cher que les suivantes :-)

Moyg a dit…

Argh, mon long commentaire n'est pas passé. Je rebondirais juste sur le commentaire anonyme :
en France, il va bientôt être obligatoire d'indiquer à chaque foyer sa conso énergétique (perso je n'ai aucune idée de la mienne : chauffage collectif, élec et gaz compris dans les charges). Je sais pas s'il est prévu d'y rajouter des valeurs moyennes (nationales/locales) mais ça serait intéressant. Et il y a aussi les DPE (lol).

Ludo a dit…

@Huesca : Totalement d'accord avec ton constat qu'une simple augmentation du prix (même au décuple) affecterait les foyers en difficultés mais pas les ''pétés de tunes''. Par contre, pas d'accord avec ta solution. Par paliers, tu ne toucherais tjrs pas les foyers aisés. Ils ont une consommation raisonnable mais s'en foute du prix. Par contre, ta solution serait très incidente sur les biens de grande consommation qui sont fabriqués dans des usines très consommatrices (voitures par exemple).

Kelson a dit…

Il faut en effet payer le vrai prix de l'énergie (et pas seulement de l'énergie d'ailleurs).

Comme le coût réel du nucléaire et du fossile ne sont au final pas compétitif, il faut se retourner vers autre choses.

Dans tous les cas de figure, toute personne qui ne souhaite pas se voiler la face doit accepter de payer son énergie plus cher.

L'augmentation du prix de l'énergie générera mécaniquement un appauvrissement général et les plus pauvres seront les plus durement touchés.

Ce problème, qui se pose aussi d'ailleurs de manière plus globale, ne peut être résolu qu'avec plus de solidarité.

C'est pour cette raison fondamentale que j'ai tendance à considérer le concept de "vert libéral" suisse comme une tartufferie.

Enfin, pour sortir concrètement du nucléaire...

En Suisse:
* http://www.naturemade.ch/

En France:
* http://www.enercoop.fr/
* http://www.planete-oui.fr/

Anonyme a dit…

Comment cela, le nucléaire, pas compétitif? Le nucléaire est un des moyens d'obtenir de l'électricité parmi les plus compétitifs. Rien à voir avec les énergies renouvelables grassement subventionnées pour que les gens en achètent.
Bien sûr, les gros accidents comme Tchernobyl ou actuellement au Japon frappent les esprits, mais il faut relativiser : Tchernobyl, c'est parce que l'URSS agonisante n'était pas capable d'entretenir correctement ses centrales, le Japon, c'est en raison de la sismicité et d'un tsunami. En France, à peut-être une exception près comme la centrale de Fessenheim, on est préservé de ces problèmes.
Pour ma part, j'ai toujours été réticent, voire opposé, à un Etat qui par le biais de taxes et d'impôts tenterait d'influencer notre comportement. On paye déjà suffisamment cher en cotisations patronales, cotisations salariales, taxes et impôts en tout genre, créés n'importe comment pour n'importe quel motif,pour que je désapprouve la création d'une nouvelle taxe sur le nucléaire.
L'énergie nucléaire est propre, ne pollue pas, est bon marché.
Et puis les pays sans centrales nucléaires m'amusent par leur hypocrisie, comme l'Allemagne, obligée d'importer massivement de l'électricité française, parce que ses abominables centrales au charbon (polluantes, elles) et ses éolionnes ne produisent pas assez, et qui fut victime un été d'une panne majeure quand la France lui coupa le jus.

Kelson a dit…

@Anonyme

Je parle du "vrai prix", celui qui incorpore tous les coûts de cette solution énergétique.

À titre d'exemple, tu crois que les consommateurs électricité de Tchernobyl ont payé les centaines de milliards d'euros qu'a coûté (et va continué de coûter) la catastrophe ?

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/heritage-sovietique/tchernobyl.shtml

En vérité, avec le nucléaire on vit à crédit : énergie payée pas chère mais on accepte de vivre avec une épée de Damoclès qu dessus de la tête (et on masque le problème des déchets).

Sauf que l'épée retombe toujours à un moment ou un autre et d'un seul coup : on doit alors rembourser le crédit implicitement pris.

Ludo a dit…

@Kelson : ce que tu dis est vrai pour tous les vecteur énergétiques. Si actuellement on facturait le prix réel du recyclage des panneaux solaires photovoltaïques sur le kWh produit par ces panneaux, on dirait adieu à cette filière.

Anonyme a dit…

A Kelson : oui, Tchernobyl a coûté sans doute très cher. Maintenant, nos centrales nucléaires ne sont pas aussi délabrées que les centrales nucléaires l'étaient en URSS finissante, et nous ne sommes pas concernés par des problèmes de tsunamis, et peu par des problèmes de tremblement de terre.
Maintenant, il est vrai que cela doit être très soigneusement contrôlée, et que des autorités étatiques complètement indépendantes puissent faire leur travail de vérification correctement.

Kelson a dit…

@ Anonyme

Le Japon ne rigole pas avec la sécurité et pourtant on voit le résultat. Idem aux USA.

En France, le risque sismique est bien présent. Fossenheim par exemple, une très vielle centrale, tourne toujours alors qu'elle est en zone sismique et qu'elle a subi de nombreux incidents rien quand temps normal.

De toute manière, si ce n'est pas un tremblement de terre, cela sera une inondation, ou encore un incendie, ou encore un attentat, ou tout autre chose à laquelle on aura pas (voulu) penser/parer.

Les premières estimations en terme de couts tombent pour le Japon. "Les échos" annonce 86 à 165 milliards d'euros... Juste pour donner un ordre de grandeur, c'est environ 3-4 fois le chiffre d'affaire annuel d'EDF en France!

Les Japonais paient à partir de maintenant la vrai facture du choix du nucléaire... qui sera le suivant ?

Moyg a dit…

@Kelson : ils paient aussi le choix de vivre sur une île en zone sismique. Tous ces chiffres seront à mettre en lien avec le coût de la vraie catastrophe.
Bref, comme le dit Ludo, la priorité devrait être à réduire les consos avant de choisir l'énergie la moins pire.