J'essplique.
L'antienne à la mode depuis quelques temps déjà chez ses détracteurs semble être de pointer vers Wikipédia en disant "ah, regardez, il y a encore une erreur, Wikipédia est vraiment un danger pour la civilisation" (j'exagère à peine, après tout le sénateur Kennedy est mort pendant une seule minute). Plus inquiétant, la réponse wikipédienne est, dernièrement, déclinée sur le thème du "c'est vrai, désolés, on va essayer de faire mieux, en attendant diversifiez vos sources". Des accusations qui d'une part mettent la "communauté" sur la défensive et, en plus, la poussent à s'engager sur des promesses qu'elle ne pourra pas tenir. A la question "êtes vous aussi mauvais qu'on le dit?", la réponse est donc "oui.".
La validation des révisions revient, en substance, à transformer les contributeurs enregistrés en patrouilleurs RC. L'incitation à la participation, pour les anonymes, disparaît, puisque toute tentative de correction d'une erreur est soumise 1) à la présence d'un patrouilleur et 2) au fait que celui-ci ait le temps/les connaissances nécessaires pour confirmer que Brie-Comte-Robert a bien 15'000 habitants et pas 150'000. La gratification de faire quelque chose de positif (ce qui est quand même l'idée même du projet) et d'en voir le résultat de manière quasi-immédiate est niée. Le participatif tourne à la corvée, et n'est de toute façon plus si participatif que ça.
Du côté des contributeurs enregistrés, si leur finalité est d'emblée de jouer aux contrôleurs et de se comporter en petit chef, les seuls candidats restant, à moyen terme, seront des apprentis contrôleurs voulant jouer aux petits chefs. Pas des designers, codeurs, améliorateurs, ou contributeurs branchés Wikiconcours. Finie la progression du contenu, vu que les anonymes occasionels n'ont plus aucune incitation à participer pour autre chose que des typos, tandis que les contributeurs souhaitant un tant soit peu s'impliquer seront cantonnés à cliquer, cliquer, cliquer pour valider, valider, valider. Wikipédia, dès lors, n'a plus qu'à sédimenter de manière accélérée.
Face au danger de vandalismes en augmentation, il est donc essentiel de continuer à ne rien faire: ce n'est pas à Wikipédia à changer pour s'adapter aux gens, mais bien à ces derniers de comprendre qu'internet ça n'est pas la télé, où le cerveau est considéré comme disponible parce qu'en mode passif. Soyons honnêtes: ce ne sont pas les 800 ou 1'000 pingouins enregistrés depuis 2004 qui à eux seuls ont rédigé 800'000 articles.
On peut faire des effets de manche en rédigeant un billet dont chaque mot est lié à un vandalisme, mais ça ne change pas le fait que chacun de ces vandalismes a été révoqué, et certains par des IP. Au pire, cela montre que le système fonctionne et qu'il doit être renforcé, pas entravé. La réponse à la croissance inéluctable du lectorat est donc la croissance de la participation de ces mêmes lecteurs, pas sa restriction. En ce sens, la coloration en bleu du bouton "modifier", pour le rendre plus visible est, de loin, la meilleure idée des cinq dernières années1.
Et à la remarque "Il y a une erreur sur Wikipédia", la réponse naturelle doit être "Oui, et qu'avez-vous fait pour la corriger?"
1: Comme quoi les choses vraiment utiles au contenu ne sortent pas des Prises de décision.
7 commentaires:
coté vandalismes grossiers, AbuseFilter permet aussi bien d'éviter de nombreuses choses.
Et Salebot passe encore derrière. C'est clair que pipi-caca n'est pas vraiment un souci.
Béh, moi, je me suis souvent dit que le seul vrai problème de Wikipédia, le truc que son fonctionnement ne permet pas de résoudre de façon simple, c'était l'ajout volontaire et déguisé d'infos douteuses ou erronées (je pars du principe que le vandalisme crétin est une prise de tête, mais que Wikipédia s'est donné les moyens de le combattre).
L'ennui, c'est que le vandalisme insidieux ne se remarque pas facilement et que personne n'a pu jusqu'à présent y trouver une parade efficace : pas par paresse, tout simplement parce que ça n'est pas évident.
Je te rejoins complètement sur ce point, cher Popo (tutoyons-nous, ça fait classe) : il est dommage d'estimer important de mettre en place des solutions qui ne répondent qu'à un problème qui n'en est plus un, dont l'apport aux véritables besoins n'est pas avéré et qui remettent en cause les bases du succès du site.
(En gros, j'ai dit « +1 », mais avec plus de périphrases.)
+1
Pour le vandalisme insidieux, on devra probablement compter sur des outils comme Wiki Trust.
(Et si les modifications significatives sont surtout le fait d'IPs comme le suggère AaronSw, ça sera assez problématique.)
Je n'arrive même pas à comprendre comment on peut faire une pareille suggestion : c'est porter atteinte à l'essence même du projet. "Une encyclopédie que tout le monde peut éditer, IP ou non". C'est ça Wikipédia. Et si ça ne l'est plus, cela ne m'intéresse plus.
Pour finir sur une anecdote, en tant 20 000ème contributeur enregistré (mi 2005), j'ai commencé mes contributions comme IP. J'ai même écrit la base de ce qui allait devenir un article de qualité ainsi. Et, ensuite, un jour, lentement comme souvent et avec reluctance comme devant toute procédure qui me demande de m'enregistrer, j'ai créer mon compte. Je suppose que cette "carrière de contributeur", comme l'on dirait en sociologie interactioniste, n'a rien d'originale.
Ceux qui tirent, à juste titre, sur les IP scolaires et procèdent à une extension illégitime de leurs inférences seraient bien avisés de réfléchir à ce type de trajectoire.
@gede: pareil - commencé sous IP un article qui deviendrait bien plus tard de qualité... mais dont la première édition a été blanchie par un patrouilleur RC!
occasionels : manque un 'n'
Sinon, d'accord avec toi. Cette "validation des révisions" relève de la fausse bonne idée par excellence. Mais il me semble qu'il est difficile au premier abord de saisir pourquoi. Je suis d'autant plus à l'aise pour le dire que fut une époque pas si lointaine où j'aurais été pour.
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