Pour savoir si c'est vrai, la seule chose à faire est de se jeter dans la gueule du loup — c'est ainsi qu'un groupe de membres de l'association Wikimédia CH a été rencontrer la rédaction du Dictionnaire Historique de la Suisse dans ses locaux à Berne. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que nous avons été bien accueillis — ils ne nous ont pas jeté de pierres, ni repoussés à coups de gousses d'ail ou d'eau bénite, mais au contraire nous ont permis d'avoir de très intéressantes discussions (sans même mentionner l'apéritif).
Tout le monde aura déjà vu le petit résumé de cette rencontre sur Wikinews, mais grâce à l'hospitalité de Popo, c'est l'occasion idéale de faire mon premier billet avec quelques commentaires supplémentaires...
Comment ces historiens professionnels voient-ils donc Wikipédia ? Et bien, plutôt d'un bon oeil. Bien entendu, le modèle choisi par le DHS n'est pas le même que celui de Wikipédia, et la rédaction centrale du DHS tient à garder le dernier mot sur le travail des auteurs, mais ça cela ne signifie pas que les rédacteurs soient anti-wikipédia. Au contraire !
Ce ne sera une surprise pour personne que d'apprendre que les rédacteurs du DHS utilisent volontiers Wikipédia, qui a de la valeur pour leur travail: en utilisateurs avertis, ils ne l'utilisent pas comme source principale pour rédiger leurs articles, mais pour des questions annexes ou pour vérifier la cohérence de certaines informations. Peut-être plus surprenant, nous avons également déniché parmi les rédacteurs un contributeur occasionnel sur Wikipédia2 !
S'il y a une partie de concurrence entre WP et le DHS, les deux organismes vivent avant tout en symbiose. Du côté du DHS, c'est 20% du trafic sur leur site web qui provient d'un lien cliqué sur une page Wikipédia, et un tiers des articles du DHS sont liés depuis la Wikipédia germanophone. On n'en est pas là sur Wikipédia FR, mais on va faire chauffer un peu le modèle DHS (qui est lié environ 500 fois pour l'instant). Du côté WP, l'avantage d'avoir accès à toute l'information du DHS sur internet sans passer par une bibliothèque est évident.
Quid de la qualité ? En général, les articles du DHS sont meilleurs que ceux que Wikipédia. Pas de surprise: le DHS a démarré il y a plus de vingt ans, avec un budget total prévu de 80 à 100 millions de francs suisses, et travaille avec 40 employés fixes et des milliers d'auteurs spécialistes mandatés (et rétribués) pour ce projet. Si Wikipédia arrivait à faire mieux, ça fait longtemps que des têtes seraient tombées à la rédaction !
Néanmoins, le rédacteur en chef reste admiratif devant certains articles de Wikipédia, clairement meilleurs que leur équivalent du DHS: typiquement, des articles qui ont du être tronqués pour rentrer dans la place disponible sur le DHS imprimé, mais qui peuvent être développés plus longuement dans Wikipédia. Mais il arrive aussi, dans certains cas, que les auteurs mandatés fassent du mauvais travail (détecté par la rédaction) — voire même plagient carrément d'autres sources, dont Wikipédia !
Justement, le plagiat était une question que nous voulions (en tout cas moi) absolument aborder avec la rédaction: d'abord, pour les assurer que la communauté Wikipédienne cherche activement à se débarasser des plagiats, et ensuite leur donner des personnes qu'ils peuvent contacter directement en cas de problème. Finalement, ce n'était pas nécessaire, car ils étaient déjà convaincus. Non pas que le plagiat ne soit pas un problème pour eux, au contraire: les textes du DHS se retrouvent plagiés à d'innombrables endroits, dans des journaux, ou dans d'autres encyclopédies
Au-delà des discussions, nous avons eu le plaisir d'offrir à la rédaction du DHS deux copies du livre de Florence et Guillaume⁴
Pour le futur, le DHS, et plus particulièrement l'eDHS, sa version électronique, va devoir réfléchir à son évolution. L'un des axes étudiés est l'idée de s'ouvrir un peu à la collaboration, en permettant à d'autres entités (universités, archives d'état, etc) d'éditer directement les articles (la rédaction gardant le dernier mot). Nous nous sommes proposés pour rester en contact et participer à la discussion, pouvant amener notre expérience du travail collaboratif. Et ce ne sont pas les autres idées de collaboration qui manquent...
Voila, un résumé déjà bien long mais qui ne couvre néanmoins qu'une partie de tout ce qui a été discuté pendant cette après-midi. Les autres participants auront sûrement d'autres points qui les ont marqués qu'ils n'hésiteront pas à ajouter en commentaires.
1. Promis Guillaume, il n'y aura pas d'autre conditionnel dans cette note !
2. Non, nous ne dénoncerons ni son nom, ni son pseudo !
3. De nouveau, j'ai des noms, mais ne balancerai pas.
1 commentaire:
Billet très très intéressant. Merci.
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