vendredi 31 juillet 2009

Philosphie 101

L'utilisateur Voleurcopieur (d · c · b) arrive un jour sur l'article Terre et y insère la recopie complète d'un article créationniste contenant, entre autres, le passage suivant:
"Comme la Terre est plate, il est évident que c'est Dieu qui maintient toutes choses en place car sinon elles tomberaient une fois arriver au bord."
L'utilisateur Correcteur (d · c · b) passe quelques instants plus tard et corrige l'horrible faute d'accord (arrivées et pas arriver).

Un troisième contributeur, passant quelques minutes/heures/jours plus tard, s'aperçoit de la monstruosité de l'ajout et, ni une ni deux, le supprime. Il en profite pour ajouter une photo d'illustration. Le passage copié reste visible dans l'historique. Un admin, l'oeil et le bouton de blocage/suppression aux aguets, est appelé en renforts et purge promptement le passage incriminé: ni vu ni connu, la Terre reste ronde (et l'article a désormais une jolie photo).

Sauf que la licence GFDL/Creative Commons impose que tous les participants à la rédaction d'un article soient crédités pour leur travail. En cas de purge, on a d'ailleurs un bandeau {{Historique détruit}} pour ce faire: on y recopie les noms des contributeurs qui pourraient avoir disparu d'un historique suite à une purge.

La question que je me pose est donc:

Correcteur (d · c · b) doit-il être crédité comme auteur, ayant corrigé sur la forme quelque chose de faux sur le fond, dont il n'existe aucune trace (même modifiée) et qui plus est copié sans autorisation?



J'ai eu l'idée de ce post en lisant Le cochon qui voulait être mangé (et 99 petites histoires philosphiques), de Julian Baggini, livre intéressant s'il en est.

mardi 28 juillet 2009

La clef du succès

Or doncques, vous pensez avoir l'étoffe d'un admin mais n'en êtes pas entièrement sûr(e). Heureusement pour vous un bienveillant et anonyme bureaucrate, fort de son expérience de dizaines (de centaines!) de candidatures plus ou moins heureuses, vous propose le petit tableau synoptique ci-dessous pour vous aider dans votre choix de carrière wikipédienne:


A quelques cas particuliers près, ça me paraît correct. Des questions?

vendredi 24 juillet 2009

WTF?

Je réalise seulement aujourd'hui (j'ai la détente un peu longue) que quoi qu'on attende des gens, quels que soient les garde-fous et les indications, ils feront toujours des choses auxquelles on ne s'attend pas, et de préférence de manière extraordinairement compliquée. Je suppose que je redécouvre empiriquement la Loi de Mooreurphy, mais personnellement je prèfère croire qu'on est cernés par les fous.

Démonstration.

Imaginons que vous désiriez changer de nom d'utilisateur. Après quelques recherches dans la jungle des pages d'aides, vous décidez que le lien vers Wikipédia:demande de renommage de compte utilisateur ne correspond probablement pas vraiment, avec son appellation obscure, à ce que vous cherchez. Autant s'adresser directement aux grosses légumes et aller déposer une Requête aux bureaucrates:

J'attire l'attention de votre oeil inexpérimenté sur le discret bandeau d'en-tête qui indique, il est vrai en minuscules, que les demandes de renommage ne se font pas ici mais sur la page dédiée.

Diantre.

Quelle est, dès lors, l'attitude logique, raisonnable et attendue à avoir?

Bien évidemment d'aller sur la page indiquée...

...de remplir le modèle prévu pour les demandes de renommage...

...et de revenir sur la page des requêtes aux bubus (celle qui dit, donc, que ça ne se fait pas ici, j'espère que vous suivez) pour l'y apposer.

J'ai tendance à croire que s'il quelque chose d'incongru se passe avec une personne c'est probablement elle qui a un problème; mais si cela se reproduit régulièrement alors c'est le système qui mérite d'être amélioré. On a la preuve par l'absurde qu'à force de faire des pages et sous-pages censées améliorer la vie de quelques-uns, on complique l'existence de tout le monde: béni soit l'auteur de l'article "Feature creep" (je n'ai pas vraiment d'équivalent francophone à proposer, à part "Accumulation sournoise d'options") qui résume en une expression cette grande pensée de Dilbert:
"Les gens vont commencer à se plaindre de choses qui ne les ont jamais dérangées auparavant. Ils suggéreront alors des options qu'ils n'auront jamais envie d'acheter".
C'est comme ça qu'on se retrouve avec des procédures d'archivage que personne ne respecte vraiment, et quatre cinq pages distinctes de requêtes pour les bureaucrates (qui sont quatre à être vraiment actifs).

samedi 18 juillet 2009

Retour vers le futur ... Témoignage expérimental.

Ça y est.

Je franchis un Rubicon en écrivant pour la première fois chez le collègue Popo, comme je l'avais promis sur Twitter (vous savez, le site de micro-blogging). J'aurais pu d'ores et déjà m'arrêter là, en estimant avoir rempli mon obligation auto-imposée, mais non, je suis un minimum sérieux. Alors, je profite de l'occasion pour faire un retour sur l'expérience du blog - ou plutôt, de l'expression sur la toile uniquement consacrée à Wikipédia - que je mène depuis maintenant un certain temps (presque deux ans).

Comme vous pouvez le lire chez moi, j'ai ouvert le blog "Wikirigoler, le blog de Pierrot le Chroniqueur" par un beau jour d'aout 2007. Et j'ai commencé à remplir mes colonnes par une mini-série de billets consacrés à une version toute personnelle de la genèse de Wikipédia. Le sujet me paraissait approprié puisqu'il marquait mes débuts sur la toile (avec cet avatar). Et pour rester dans l'analogie, la blogosphère wikipédienne francophone me semblait un peu vide (à part le Poulpe, il me semble, Jean-no et les élucubrations alithiesques ...). Et comme la Nature en a horreur (alors qu'elle aime bien Wikipédia) ... Bref. J'ai commencé rapidement à parler un peu plus sérieusement de Wikipédia, avec un billet sur la perception des règles par les Wikipédiens, puis un sujet en appelant un autre, j'ai enchaîné les billets. Jusqu'à mon 299e sur le blog, publié il y a peu. Je crois avoir abordé un bon nombre de sujets, en évitant les sujets techniques (codage et autre) qui restent des sujets techniques, justement. Et qui touchent plus à Mediawiki qu'à Wikimedia. Mais quoi que j'ai pu écrire et quel que puisse être le thème choisi, il m'a semblé que décrocher un moment de Wikipédia pour écrire sur la chose était un bon moyen d'y réfléchir en tant que phénomène global.

Un phénomène intéressant, indubitablement.
Tellement intéressant qu'elle constitue le sujet principal (ou secondaire) de plusieurs blogs de niveaux variés et de points de vue différents sur le projet. On ne peut que s'en réjouir : la pluralité est le meilleur moyen pour le lecteur débutant dans l'univers Mediawiki de se faire une idée par lui-même. Et ce même si la base des blogs sérieux (excluons immédiatement le prétendu observatoire) reste une vague adaptation d'une série télévisée américaine ayant eu son heure de gloire il y a peu (à cause des 3P).
Contrairement peut-être (je ne peux pas être au courant de tout) à Popo et Poulpy, j'étends également mon expérience de lobbyiste en dehors de mon propre blog en prenant le clavier pour d'autres sites : ici-même bien sûr (pour la première fois), mais aussi sur Wikio (7 billets pour le moment) ou depuis peu dans Agoravox (1 billet, pour le moment), sans parler des espaces de commentaires (merci d'ailleurs à TMF pour quelques échanges sympathiques). J'encourage également les gens qui le souhaitent à me confier leurs écrits pour publication - en déplorant toutefois qu'il ne me soit pas aussi facile (en fait, c'est carrément impossible pour le moment) que pour Popo de fournir un accès externe libre. Et j'essaie d'être joignable par messagerie instantanée ou presque (merci Twitter). En fait, ce que je souhaitais - et que je souhaite toujours - est ce maintien d'une ouverture vers le monde extérieur à la seule communauté wikipédienne. L'autarcie n'a jamais réussi à personne, et surtout pas à un blog.

L'aventure continue donc pour moi, tant que je trouverais du plaisir à chroniquer la vie wikipédienne, ou à développer tel ou tel aspect qui me tient plus ou moins à coeur, ou qui me semble utile dans l'instant.

Pour finir, bien que je le fasse chez moi également, je souhaiterais remercier ici les personnes qui ont au moins une fois laissé un commentaire ou mieux, un billet, chez moi.
Je souhaitais également remercier l'ami Popo pour m'avoir laissé l'accès à son blog. Merci aussi à la communauté wikipédienne, qui grâce à la merveilleuse variété et pérennité de la nature humaine, me permet d'avoir tous les jours de l'inspiration mais pas assez de temps pour tout traiter. Merci enfin à Alithia, dont les billets surréalistes m'ont donné envie d'écrire des choses plus drôles, mais également bien plus vraies, sur la célèbre encyclopédie (ou pas) libre (ou pas) en ligne, et à mon pote Jimbo sans qui tout cela ne serait pas arrivé.

Merci également aux lecteurs, bien sûr, sans qui nous écririons dans le vide !

vendredi 17 juillet 2009

Wikibu

L'une des grandes critiques vis-à-vis des articles de Wikipédia, c'est bien entendu leur degré de fiabilité. Qui a écrit quoi? Et comment être sûr qu'un anonyme rédacteur n'est pas en fait un sinistre inidividu dont la seule raison d'être consiste à propager l'ignorance et le mauvais journalisme?

Arrive alors Wikibu, une création du centre d'éducation informatique de la haute école pédagogique de Berne. Je suis désolé pour les non-germanophones, mais il n'existe à l'heure actuelle pas d'autre version linguistique1.

Lorsque vous demandez un article à Wikibu celui-ci, en gros, va voir dans l'historique quelles sections ont été modifiées, depuis combien de temps (métrique de stabilité) et, il me semble, par qui. Il regarde aussi la présence de pages annexes (controverses de neutralité, nominations AdQ, longueur de la page de discussion, etc.), le nombre de visites et de rédacteurs, la présence de sources, und so weiter.

Il se sert de tout cela pour attribuer une note à l'article, accompagnée de quelques remarques sur, justement, la présence de controverses ou la diversité des auteurs. Une publication dans un journal à comité de lecture est en cours de rédaction pour expliquer tout cela et prévue pour l'automne, j'essaierai de laisser un mot quand elle sortira. Concentrons nous donc pour l'instant sur l'interface et les prestations de la bête.

Ce que je trouve intéressant, c'est que les développeurs de Wikibu ont mis exactement le doigt sur ce qui, sur Wikipédia, assure en grande partie la fiabilité d'un article: sa fréquentation et la variété de ses rédacteurs. C'est ainsi que l'article sur la Constitution finlandaise de 1919 (AdQ, quand même) n'obtient qu'un maigre 5/10 alors que celui sur la World Wrestling Entertainment (spectacles de catch) monte à 7/10 (idem que pour Michael Jackson). Ca ne veut pas dire que c'est bien écrit ou intéressant, mais qu'au moins c'est probablement juste. La meilleure note que j'ai trouvée en quelques essais concerne l'article sur la Suisse (9/10), très visité, bien sourcé et neutre (forcément ^_^):

Illustration de cette force du nombre, un sujet trollogène comme le SVP (Union Démocratique du Centre en français, parti de droite dure à tout le moins et comme son nom ne l'indique pas) réussit, du fait du trafic qu'il attire, à obtenir un honnête 8/10 - à l'opposé de l'opération Plomb durci (attaque israelienne sur Gaza de janvier dernier), article d'actualité qui n'attire probablement plus guère comme lecteurs que les pro- ou anti-de chaque camp (avec les guerres d'édition qui vont avec). Résultat: en dépit de ses 246 "sources", un maigre 4/10.

Nos contacts au sein de Wikimedia CH ont dit penser à intégrer, à terme, l'outil à l'interface de Wikipédia elle-même. Je doute que cela soit techniquement possible (ou souhaitable), mais si une traduction arrive un jour ce sera certainement un lien à garder en tête.




1. C'est pas faute d'avoir demandé, ou même d'avoir proposé de leur trouver un traducteur. Bon, au moins c'est pas écrit en schwytzerdütsch.

mardi 14 juillet 2009

Wikipedia'ch

Or doncques, comme nous l'avons vu précédemment, il est dans l'intérêt de Wikipédia de s'ouvrir au maximum de contenu. Celui-ci ne coûte quasi-rien à héberger et distribuer, et constitue la longue traîne qui est la clef du succès de ce projet et qui est plaisamment résumée par Gribeco via le dessin suivant:

Et là, je sens que je vais faire des malheureux mais il faut voir les choses en face: Wikipédia n'est pas une encyclopédie. Je le répète afin d'être sûr que le concept s'imprime sur les rétines:

Wikipédia n'est pas une encyclopédie.

Ou plutôt, ce n'est pas que cela. C'est aussi en partie un almanach, un annuaire, un Who's Who, un site de fans, un programme télé, j'en passe et des meilleures. En gros, c'est mieux et beaucoup moins bien. On essaie depuis huit ans de coller une étiquette du XVIIIe siècle sur un concept du XXIe, et c'est une source permanente de tensions à l'interieur du projet. C'est un peu la même constatation que pour l'Union européenne, qui n'est ni un (super-)État en formation, ni une organisation internationale; la première chose qu'on apprend quand on l'étudie est qu'il s'agit d'une construction sui generis. En clair, les seules catégories vraiment adaptées pour contenir ces deux objets, WP et UE, sont celles qui portent leur nom.

Cela signifie-t-il pour autant que l'on doit accepter tout le contenu proposé, pour la simple raison qu'on ne peut jamais savoir à l'avance ce qui intéressera le quidam de passage? Non, pour la bonne et simple raison qu'Internet (et Google/Bing/Wolfram) s'en charge(nt) déjà très bien.

La clef n'est pas tant de tout proposer que de proposer des éléments ayant une valeur ajoutée. Celle-ci, et c'est là que je reviens à l'article de Chris Anderson cité précédemment, où en comparant YouTube et Hulu il montre qu'une légère pénurie artificielle a des avantages en termes de création de valeur. La pénurie artificielle, pour Wikipédia, c'est l'élagage régulier des articles aberrants, promotionnels, ou écrits par Kévin, 12 ans et plus fan du groupe punk monté avec ses copains que d'orthographe1. La valeur qui en découle, c'est la crédibilité du projet: personne n'irait donner d'argent pour financer un site devenu l'équivalent de MySpace ou GeoCities qui sont, eux, complètement gratuits. Personne n'irait vraiment croire les informations d'un site qui n'est pas un minimum restrictif sur son contenu - et le montre. C'est artificiel, peut-être, et je n'ai pas d'explication rationnelle à ce phénomène, mais c'est à peu prêt aussi certain que le fait que pratiquement personne n'achète de parfums à prix discount, que les blogs n'auront jamais la crédibilité du New York Times, à qualité égale d'information.

Et donc oui, les Pages à Supprimer (et suppressions immédiates) ont une utilité paradoxale: celle de créer de la valeur en détruisant du contenu. Et comme il s'agit de Wikipédia, au pire si on s'est trompés on peut toujours recréer.



PS: ce n'est qu'indirectement lié, mais j'en profite pour faire la pub de ce billet, qui sans être rationnel ni n'avoir aucune finalité ne m'en paraît pas moins très juste.

1. En clair: les créations autobiographiques, au sens le plus large possible, i.e. celui qui implique un conflit d'intérêts.

dimanche 12 juillet 2009

Dépenser pour enrichir

Vous cherchez à en savoir plus sur la magie, le Timor-Oriental, la mort de Michael ou de Staline. Vous utilisez -gratuitement- Google, qui très probablement vous mênera jusqu'à Wikipédia, l'encyclopédie libre - et gratuite. Disons que vous faites cela parce que vous avez vu un film diffusé gratuitement sur YouTube, ou avez lu quelque chose sur un blog (celui-ci par exemple, que j'ai ouvert pour un prix défiant toute concurrence).

Tout le monde est content. Google est l'une des plus grosses capitalisations américaines; Wikipédia est la plus grande encyclopédie qui ait jamais existé; YouTube est le troisième site le plus visité au monde. C'est partiellement contre-intuitif, mais la gratuité est, de nos jours, la clef du succès. Et cette gratuité est avant tout possible parce que les électrons ne coûtent quasi-rien. Ils ne coûtent quasi-rien et on gagne chaque année le droit d'en accumuler ou dépenser deux fois plus pour le même prix: c'est la Loi de Moore.

Il nous faut donc penser en termes d'abondance des ressources plutôt qu'en termes de rareté. Outre nous faire des vacances du film de Yann Arthus-Bertrand, cette approche généreuse a beaucoup plus d'impact sur la vie wikipédienne, et comment la gérer.

J'essplique.

Ceux d'entre vous qui auront lu le dernier article de Chris Anderson dans Wired, ou son dernier livre auront déjà une idée de ce dont je parle. Pour les autres, lisez l'article ou regardez la vidéo ci-dessous. S'il le faut, apprenez l'anglais afin de pouvoir le faire:



On s'est dernièrement beaucoup gaussé d'Anderson parce qu'il avait cité de larges extraits de Wikipédia sans la créditer. Ce qui n'a fait rire personne, par contre, ce sont ses idées - ou plutôt son constat que de nos jours, comme je l'indiquais plus haut, le prix de l'information et de sa circulation est tellement faible que ça ne vaut même pas le coût de la facturer. Un nouveau secteur économique se crée, sur un nouveau business model dont personne, à commencer par Anderson, ne sait vraiment à quoi il pourrait bien ressembler à terme. La seule chose qui est sûre, c'est qu'il est de nos jours plus économique de "gaspiller" des ressources (en diffusant gratuitement des vidéos, stockant des photos) que d'attraper par le biais d'une couteuse campagne de pub l'hypothétique client qui paierait pour avoir la même chose, voire moins bien. Si vous ne me croyez toujours pas, demandez vous combien il resterait de blogs wikipédiens si nous devions payer blogspot, wordpress ou over-blog. D'ailleurs, combien d'entre nous seraient au courant de l'existence de ces services?

Demandez vous également pourquoi le service informatique de votre compagnie limite la taille de votre boite aux lettres électronique à 244 mégaoctets (d'où sort ce chiffre, je l'ignore mais c'est le mien), alors que sur mon seul PC, branché en permanence au réseau, l'espace inutilisé est de 30 60 gigas. Il n'y a évidemment pas de raison autre que le fait que notre service IS est géré par un vieux crabe qui, il y a trois mois encore, pensait qu'Internet Explorer 5 (IE5) était un navigateur décent (la version 8 est sortie il y a quatre mois). Le vieux crabe, comme tout le monde, pense encore en termes de ressources limitées alors que tripler le volume de stockage disponible pour chacun lui couterait une centaine d'euros. Je soupçonne que la mise au rebus des machines à écrire s'est faite contre son gré.

Quoi qu'il en soit, Anderson traduit tout cela par le tableau suivant:







 RaretéAbondance
RèglesTout est interdit à moins d'être autoriséTout est autorisé à moins d'etre interdit
ModèlePaternalisme
("Nous savons ce qui est bien pour vous")
Égalitariste
("Vous savez ce qui vous va")
DécisionDe haut en basDe bas en haut
StructureCommander et contrôlerIncontrôlable


La deuxième colonne décrit exactement la façon dont Wikipédia fonctionne: l'absence de règles, de hiérarchie formelle, le bordel continu comme façon d'être et de progresser. Le coût d'hébergement d'un article est infinitésimal. Ou plutôt, pour les 12 millions d'articles présents (et avec un budget annuel de 6 millions de dollars), chaque article coûte en moyenne 50 cents à stocker et diffuser. C'est cher. Ajoutez 4 millions de documents sur Commons et l'on tombe à 37.5 cents. Prenez encore en compte que la bande passante (la fraction coûteuse du budget) est monopolisée par Michael Jackson et les 999 autre articles suivants en terme de fréquentation, et l'on s'aperçoit vite qu'effectivement, Wikipédia c'est plutôt donné. La gestion et mise en place des Pages à Supprimer, en ce sens, coûte plus en temps à chacun de ses participants qu'il n'en coûte d'ignorer et conserver l'autobiographie de je ne sais quel thésard en mal de reconnaissance (et d'emploi). Tout le monde aurait meilleur compte à contribuer sur ses articles.

Wikipédia, c'est une évidence, doit son succès au fait qu'elle propose de tout (c'est à dire plus que ses concurrentes), et gratuitement (et donc pour moins cher). Appelez ça un cercle vertueux: la gratuité de l'information attire de nouveaux lecteurs, qui eux-mêmes se lancent dans la création de nouveaux articles; ceux-ci en retour assurent la pérénnité de Wikipédia en tant que référence encyclopédique, ce qui attire de nouveaux lecteurs, etc. etc..

Cela signifie-t-il donc que nous devons pour autant devenir d'ardents conservationnistes?

La réponse est oui, bien sûr... et non - ne serait-ce que parce que ce terme reflète plus une posture qu'une démarche et est en soi vide de sens. Mais comme le post est déjà long, ce sera l'objet d'un prochain billet.




1. Juste pour resituer: IE5 n'a pas d'onglets, pas de barre de recherche, ouvre tous les liens dans une nouvelle fenêtre et met plusieurs secondes pour ouvrir n'importe quelle page - y compris sur notre Intranet.

vendredi 10 juillet 2009

Bienvenue en Suisse

Vous vous ennuyez pendant les vacances?

La mer, c'est bien connu, les poissons forniquent dedans et ça vous dégoute?

Des montagnes, des vaches, de la fondue par 30° (avec une double crème de Gruyère en dessert) ça vous tente beaucoup plus?

Ou vous fuyez simplement le fisc de votre lieu de résidence?

La Cabale romande™ a le plaisir de vous convier à son Zusammenfest annuel1, qui se tiendra cette année à Fribourg!

Les détails suivront dans quelques jours. En attendant, réservez déjà le samedi 8 août (ou le dimanche 9, à voir) et n'oubliez pas de vous inscrire ici.



Guest star: la cabale alémanique!

jeudi 9 juillet 2009

{{référence circulaire}}

Nous sommes tous déjà tombé sur un champion de la défense Pokémon, version 2.0 de la réflexion sophiste. Peut-être certains d'entre vous s'y sont même abandonnés un jour. Si l'on garde un article sur telle actrice pornographique, association ou entreprise, pourquoi une procédure de suppression devrait-elle être lancée sur tel autre personnage secondaire de fiction (qui apparaît pendant 3 secondes de la super importante scène du bar de l'Épisode IV de Star Wars), mon groupe de punk rock (fondé le printemps dernièr à Vesoul, déjà 3 concerts et une mixtape à notre actif), ma biographie (tel autre artiste ou chercheur est déjà cité, et il n'est pas si bon que ça moi)?

La réponse, pour faire court, c'est que sur Wikipédia, avec ses 8 ou 900'000 articles, on n'a depuis longtemps plus le luxe de garder quoi que ce soit. On garde tout. Tout au plus essaie-t-on vaguement de trier ce qu'on trouve1.

Bref.

Ce qui m'embête un peu plus est de constater ces derniers temps la multiplication des références circulaires; des remarques du style "c'est déjà présent sur d'autres wikis". En clair, on se détache d'une certaine réalité du monde physique pour accepter celle également présente sur WP - le mot compliqué pour décrire cela est solipsisme, et l'article homonyme de Wikipédia explique assez bien ce concept: "Si j'existe, alors ce que je pense existe aussi"2.

Si un article existe sur Wikipédia, alors cet objet existe dans la réalité encyclopédique. Si un article sur tel objet existe déjà (au hasard: les funérailles de Joseph Staline, article passablement indigent), alors c'est le début d'une catégorie: les articles similaires sont, par extension, admissibles (toujours au hasard mais pour coller à l'actualité, celui sur les funérailles de Michael Jackson, supposémment avec les sources les plus variées qui soient -et en temps réel-, est pourtant tout aussi indigent).

La présence de sources n'est plus nécessaire pour justifier une conservation, mais la simple existence d'un article similaire sur d'autres wikis constitue le critère ultime - on voit d'ailleurs que certains autobiographes malins ont eu le même raisonnement lorsqu'ils créent simultanément le même article en plusieurs langues3.

Cette attitude, de la part du projet, est à la fois un aveu et une démonstration de puissance. C'est aussi un peu le degré zéro de la réflexion ou, si l'on creuse un peu, de l'humilité.



1. Quiconque a cependant vu Fantasia saura probablement à quelle section je fais référence en disant que les Pages à Supprimer sont une tentative dérisoire de contrôler le flot.
2. Le gars à droite n'était pas un solipsiste, mais on l'en a accusé.
3. Sauf que l'usage d'un traducteur automatique fait souvent passer leur création à la trappe avant que l'argument ad wikipediam ait pu jouer.

dimanche 5 juillet 2009

Podcasts

J'ai découvert hier, totalement par hasard et par le biais d'un énième bandeau dans la page de discussion d'un article que je suis, l'existence du Projet:Articles audio. Il s'agit, vous l'aurez deviné, de proposer une version enregistrée d'un article, de préférence avec la voix la plus désincarnée et monocorde qui soit, des fois par exemple que vous ayiez envie de faire une dictée.

Honnêtement, si j'étais aveugle ou mal-voyant, ce genre de service me ferait comprendre que l'accès au savoir est un privilège amer, surtout quand on se voit infliger un morne "Partie 1: Origines. Sous-partie 1: Termes employés. Lames". Notez bien, j'ai écouté d'autres articles que celui-ci, et ceux commençant par l'énumération des données de l'infobox m'ont presque donné envie d'être également sourd (et inculte).

Bon, je me moque mais bien évidemment n'est pas Alain Decaux qui veut, et il y a aussi des prestations très correctes. Sans compter que l'orateur est grandement dépendant du talent de son nègre. Et parce qu'on ne critique pas sans avoir marché une journée dans les chaussures d'un homme, je m'y suis même essayé1: honnêtement, dire qu'il est difficile, très difficile de lire un texte sans bafouiller et à un rythme décent est une obscène litote. C'est peut-être ce qui explique du coup le nombre relativement restreint de fichiers disponibles. Félicitations sincères donc aux courageux intervenants; je ne doute pas qu'un fichier de 10 minutes ait pris bien plus que ça à produire.

Quoi qu'il en soit, l'exercice est aussi intéressant à titre individuel. S'il vous prend de lire un sujet que vous connaissez bien, par exemple un article que vous avez créé vous même, c'est une excellente aide pour se rendre compte des maladresses de style, des longueurs et trucs franchement inintéressants qu'on a mis là parce que la labellisation en Article de Qualité est devenue au fil du temps un exercice de remplissage. Un bon article encyclopédique, j'en suis convaincu, doit raconter une histoire plus qu'il n'empile des faits de manière grammaticalement correcte. La lecture à voix haute est en ce sens une confrontation avec la réalité qui vaut son pesant de cacahuètes.

Dernier point: les fichiers sont enregistrés au format ogg vorbis. Ce format à le grand avantage d'être libre, mais le plus grand désavantage encore de n'être supporté par pratiquement aucun lecteur MP3 portable (à commencer par mon iPod). En clair, à moins de se lancer dans des manipulations fastidieuses2, ce type de fichier n'est pas jouable ailleurs que sur votre bureau. C'est bien beau de vouloir faire dans le libre à tout prix, mais il est des fois où un certain pragmatisme ne ferait pas de mal.


1. Si vous avez Windows Vista, il suffit d'aller dans Programmes> Accessoires> Magnétophone. Quelques trucs et astuces sont aussi données sur une sous-page du projet.
2. Intégrer Lame_enc.dll dans le dossier Audacity qu'il aura fallu télécharger séparément, puis ré-encoder le fichier audio en MP3 grâce à ce programme, après avoir référencé le dll... Pas compliqué, mais presque trop fastidieux pour que ça en vaille la peine pour un utilisateur lambda peu à l'aise avec l'informatique.

vendredi 3 juillet 2009

Wikipédia est toute cassée (et réparée)

Si comme moi vous avez essayé de vous connecter sur Wikipedia hier soir (EST) et n'avez rien vu sur vos écrans, c'est normal: une coupure de courant sur les serveurs européens a empêché ceux-ci de fonctionner, et la redirection du trafic vers les survivants basés aux USA les a simplement engorgés. Je n'ai pas compris grand chose d'autre, mais c'est probablement mieux expliqué sur le Wikimedia Techblog. Et plus compréhensible encore avec le graphique suivant, pris chez eux:

En vert, donc, les requêtes sur les serveurs européens. On note comme un blanc, au milieu. Comme allégorie de la chute de la civilisation, il y déjà eu de moins belles représentations.

On a donc eu près de 90 minutes tragiques sans Wikipédia, où tout aurait pu arriver - y compris mon passage sur IRC (brrr).

Cure de jouvence

Il y a deux mois, j'évoquais la difficulté qu'ont certaines personnes à se faire à l'interface (et aux règles, écrites ou pas) de Wikipédia. Après plus de trois ans sur le site, on a assimilé la plupart de ces éléments (ou sinon, il y a un souci... peut-être n'est on pas vraiment venu pour aider à faire une encyclopédie) et on oublie (oui ce « on » est parfois très pratique) toute la courbe d'apprentissage. Bref, ce n'est pas facile de se remettre dans l'état d'esprit qu'on avait « dans les premiers temps ».

Et pourtant, je me suis repris ce passé dans la tronche cette semaine. Suite à une conversation de bistro, je me suis rappelé le projet frère qu'est Wikisource (non que je l'ai oublié mais je le connaissais vaguement, on va dire) car en effet « Avoir une bibliothèque universelle libre, accessible en plein texte, est un but fabuleux aussi (...) ». Curieux de nature, j'ai donc cliqué sur le lien et ai commencé à fouiller un peu pour voir comment on fait. Et je dois avouer que j'ai été largué. Moi qui m'attendais à trouver une interface identique, j'ai été complètement déboussolé par les onglets « page », « texte », les validations faites par plusieurs contributeurs...

Comme à mes débuts wikipédiens, j'ai compulsé les pages d'aide (tout est toujours indiqué sur les projets Wikimedia, le seul souci c'est de trouver où, bon sang) pour essayer de comprendre comment cela fonctionne. Cela m'a pris pas mal de temps et je ne suis pas sûr d'avoir tout capté, d'avoir une vision d'ensemble. Moralité, à quelques exceptions près (la syntaxe wiki est la même), je me suis retrouvé dans la situation des petits nouveaux que j'évoquais plus haut. Je pense que cela doit être ça qu'on appelle une leçon d'humilité...