On n'en parle pas assez, ou pas beaucoup, mais pourtant il y a une prise de décision (PdD) wikipédienne qui se prépare et qui me paraît intéressante: celle sur la remise en cause de l'exception au droit d'auteur pour les bâtiments récents.
A l'origine du débat se trouve le fait qu'on prend des photos de bâtiments récents et que dans certains pays, on n'a pas le droit. La liberté de panorama, en France notamment, ça n'existe pas. Là où ça devient un peu tordu, c'est que cela concerne les bâtiments récents, mais également les modifications récentes de bâtiments anciens. Concrêtement, sur Commons:
Ca on peut.... |
...mais ça on ne peut pas. |
La politique de la Fondation, nous dit-on, est d'avoir des images à la fois en conformité avec le droit US (assez libéral) et national (souvent moins). C'est un choix qu'on peut discuter à loisir, mais il faut faire avec: le piège, c'est qu'effectivement personne ne sera assez fou pour aller chercher noises à Wikipédia (mauvaise presse et tout), mais Commons se voulant une banque de médias réutilisables et certaines photos étant d'une qualité quasi-professionnelle, on peut légitimement s'attendre à en voir certaines apparaîtres sur des cartes postales ou albums commerciaux: Wikipédia n'est pas qu'un jouet pour Wikipédiens, on l'oublie trop souvent, et il faut donc penser assez large.
Le problème est relativement circonscrit et identifiable: on pourrait donc penser que 1) il n'y a pas vraiment de décision à prendre parce qu'il s'agit d'une politique de la Fondation (et ce sont eux qui paient pour le jouet, aux dernières nouvelles); et 2) au final la question devrait pouvoir se résumer à un simple oui/non.
Sauf qu'on est sur Wikipédia, et qu'une PdD sans discussions et argumentaires à rallonge2 n'est pas une PdD qui se respecte. On a même contacté la Fondation pour demander s'il n'y avait pas moyen d'avoir une exception à l'interdiction d'exception, au moins pour le contenu encyclopédique. Réponse de Moscou la WMF: niet.
Il me semble qu'après deux mois on soit dès lors assez bien partis pour avoir une question relativement simple, du style "Est-ce qu'on s'asseoit sur la loi française/belge/camerounaise, ou pas?".
Je crois qu'on aura des surprises parmi certaines réponses.
1. Y compris sur le présent blog, mais il faut bien dire de quoi on parle.
2. Quoi que de bonne tenue, c'est assez rare pour être souligné.
4 commentaires:
Troisième paragraphe, le pb n'est pas que l'image soit considérée comme une œuvre d'art mais que la photo (l'image) a pour sujet principal un objet considéré comme une œuvre d'art couvert par une certains forme de droit d'auteur.
Ca me paraissait équivalent, mais j'ai reformulé.
A ce sujet, Rémi Mathis a publié une très bonne tribune dans Le Monde d'aujourd'hui.
Je suis d'accord avec toi : Wikipédia a les moyens de faire bouger les lignes, parce qu'elle permet à tous, comme lecteur et/ou contributeur, de percevoir à quel point cette surprotection est absurde. Elle démocratise, en quelque sorte, le constat.
En plus, c'est un formidable moyen pour pratiquer une politique du fait accompli.
Oui mais. La solution retenue en matière de droit de panorama, à savoir appliquer le droit du pays où se trouve l'oeuvre originale, a le mérite d'être pragmatique et relativement simple à appliquer, mais elle est erronée. Aux termes de l'article II de la Convention universelle de Genève sur le droit d'auteur, un architecte pourrait s'opposer à la publication en France de photos de ses bâtiments construits en Suisse, parce que ses oeuvres jouissent en France de la même protection que si elles s'y trouvaient. A l'inverse, il n'est pas sûr qu'il pourrait empêcher la publication en Suisse de photos de bâtiments sis en France, la Suisse n'étant pas tenue de lui accorder une protection qu'elle refuse aux oeuvres fixées sur son propre sol.
Donc, si on voulait réellement appliquer le droit dans toute sa rigueur, il faudrait géolocaliser les IPs et filtrer les contenus en fonction de ce que nous pourrions montrer à Paris, New York ou Ouagadougou. On connaît l'efficacité de ce genre de dispositif.
2e conclusion: il n'y a pas de plus petit dénominateur commun en termes de droit d'auteur, du moins pas pour les contenus publiés après l'entrée en vigueur de la Convention de Berne.
3e conclusion: prétendre pouvoir garantir à celui qui voudrait réutiliser le contenu de WP qu'il ne court aucun risque juridique relève d'une douce illusion.
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