lundi 7 décembre 2009

Bureaucraties

Mogador a ouvert à l'issue de l'(in)élection de Vyk au statut d'administrateur un débat intéressant que je résumerais ainsi: les bureaucrates, étant si peu nombreux pour prendre une décision aussi peu anodine que la validation ou pas d'une candidature au poste d'administrateur, ont-ils une obligation de participation aux discussions y-relatives? En question le fait que sur six membres actifs, seuls trois (Clem et moi, puis Esprit Fugace après piqure de rappel) se sont penchés sur la question du sysopage après un vote houleux et inégal. Céréales Killer était dans les parages mais n'a pas jugé bon de s'exprimer; Educa33e et Anthere, pour leur part, ont un statut plus qu'ils n'ont une utilité vu que leur participation toutes tâches confondues est depuis quelques temps déjà plus que symbolique.

Tout cela pose, effectivement, plusieurs questions découlant plus ou moins les unes des autres:

1. Les bureaucrates ont-ils une obligation de participation?

Si oui, faut-il

2. plus de bubus pour assurer une lecture équitable des consultations, et
3. que ceux n'étant pas en mesure de participer démissionnent de leur statut?

Première point: l'obligation. Ce serait un peu paradoxal, sur un projet basé sur le volontariat, de vouloir imposer quoi que ce soit à qui que ce soit sous le simple prétexte qu'il ait demandé la confiance de la communauté sur l'accès à des outils quelconques. Après tout on ne demande pas aux contributeurs de terminer les articles entamés, pas plus qu'on ne demande aux administrateurs de rendre des comptes sur le nombre de purges ou blocages rendus dans la semaine. Et au vu de certaines (ré-)élection, cette obligation de rendement n'est pas demandée aux arbitres non plus. Donc non, pas d'obligation de participation à une tâche particulière, selon la règle qui prévaut chez les admins que qui ne dit mot est solidaire de la solution adoptée.

Pourtant, deuxième point, il faut bien voir les choses en face et se dire qu'une élection décidée par trois pseudo-sages et à l'encontre d'une parfois large majorité, ça n'est pas banal. On a donc, pour remédier à cet état de fait, deux choix:
  1. Supprimer le pouvoir discrétionnaire;
  2. Augmenter le nombre de bubus.
La première solution ne me paraît pas pertinente, au sens que si l'on regarde les élections passées, on s'aperçoit que nombre d'admins sans histoire n'auraient pas été élus si la barre était placée aux consensuels 80%1 (voire 75% - les refus sont heureusement souvent plus nets, il s'agit donc plus d'une option de repêchage). Pas de raison donc de se priver de mains supplémentaires pour les corvées de maintenance quand déjà on ne croule pas sous l'offre. Reste l'option de l'augmentation du nombre de bureaucrates. Pas une mauvaise idée, loin de là.

La solution facile consisterait à augmenter le nombre de bubus actifs à sept (il n'y a pas assez de travail pour plus, et probablement pas de candidats non plus) comme notre cher Conseil fédéral, à charge pour la communauté de définir sa variante de la formule magique2 si besoin. La solution plus compliquée, évoquée sur le bistro, consiste à donner le statut à tous les administrateurs, et en cas d'élection tangente de les faire voter en une sorte de deuxième tour pour savoir s'ils acceptent le candidat parmi les leurs.

Outre que cette proposition ne résoud pas la question de savoir que faire en cas de décision à nouveau tangente, mon avis personnel est que cela créera un niveau bureaucratique supplémentaire (quel délai pour le deuxième tour? Quelle marge? Quel espoir de recandidature pour ceux rejetés par leur potentiels pairs? Qui aura la patience de lancer une PDD pour trois ou quatre élections tangentes par an?) et de remplacer une caste par une autre, certes plus grande, mais caste quand même (la notion de hiérarchie n'a pas de réalité puisque les bubus ne peuvent reprendre ce qu'ils ont donné). Mais ça, finalement, c'est à la communauté de décider - après tout cela semble marcher chez les hispanophones (mais uniquement chez eux, et encore personne n'est allé demandé s'il y avait des regrets ou dérapages).

Pour ce qui est de la démission en cas de service moins-que-minimum, j'avoue que je suis assez pour. Soit c'est un statut technique dont on n'a plus besoin, soit c'est un statut de relatif prestige3, auquel cas il n'est vraiment pas sain de s'y attacher. Dans les deux cas, ce droit ne s'use que si l'on ne s'en sert pas.

En Suisse, pour revenir à un endroit qu'il m'arrive de fréquenter, les Conseillers fédéraux (dont le mandat est remis en question de manière rarissime) ont pour pratique de démissionner au bout d'une dizaine d'année d'exercice, sans qu'on leur demande rien. Un temps bien trop long à l'échelle wikipédienne certes, mais c'est un exemple - pas un modèle. La pilule serait peut-être difficile à passer (et ingrate) pour Madame la Présidente, mais là aussi un précédent existe, avec rien moins que Jimbo Wales, déchu de ses droits de steward mais désormais très officiel dictateur bienveillant Fondateur. Mais c'est un détail.

La seule chose qui marche bien, sur Wikipédia, c'est un mélange entre la pratique quotidienne et la solution de simplicité. La pratique quotidienne, c'est que le pouvoir discrétionnaire a l'aval tacite de la communauté des contributeurs. La solution de facilité, c'est que les gens qui perdent l'envie (ou la disponibilité) de s'impliquer sur le projet en tirent les conséquences. Quitte dans ce dernier cas à retirer les droits aux personnes passant sous la barre symbolique des 100 contributions par mois (le seuil statistique des contributeurs actifs) pendant quelques mois. Par exemple.


1. Dans le désordre: Elfix, Harmonia Amanda, Adrille, pour ne prendre que les trois premiers sur lesquels je suis tombé.
2. J'y reviendrai j'espère dans un prochain billet.
3. Très relatif.

9 commentaires:

Moez a dit…

l'obligation de moyens me semble concerner, avec les bubus, les CU : il en faut au moins un sur le pont.

Anonyme a dit…

nope. Pour éviter tout abus, il est exigé par la WMF d'en avoir deux actifs sur le pont. L'un pour surveiller l'autre.

Pierrot le Chroniqueur a dit…

Je ne peux m'empêcher de faire remarquer l'oubli d'excellents billets sur les bureaucrates : http://wikirigoler.over-blog.com/article-21697462.html, http://wikirigoler.over-blog.com/article-21938256.html, http://wikirigoler.over-blog.com/article-22182725.html, http://wikirigoler.over-blog.com/article-22045309.html et http://wikirigoler.over-blog.com/article-21961967.html.
En toute modestie, bien sûr ;).

Blague à part, ton billet est intéressant, et rejoint quelques unes de mes perceptions sur ce rôle. Reste à voir quelle en sera l'évolution.

P. Lechien a dit…

@Pierrot: ah ben désolé, je sais bien que je suis toi, mais je n'ai pas appris tous nos billets par coeur.

Par contre ce qui m'ennuie un peu plus c'est que tu montres qu'on ressasse finalement toujours les mêmes histoires... :-(

gede a dit…

Je suis contre ce "pouvoir discrétionnaire".

La dernière élection d'admi a renforcé dans mon sentiment. Tu étais contre le candidat en question, avant même la fin de l'élection. Ton opinion n'a pas été modifiée par l'élection elle-même, et, étant donné le petit nombre de bureaucrates, qui se sont exprimé, ton point de vue l'a emporté.

Autrement dit, on aurait pu se passer d'une élection : il aurait suffi de te demander ton avis.

Le fait qu'il y ait plusieurs bureaucrates ne changent rien à l'affaire : il suffirait de leur demander leur avis. Il est, encore une fois, inutile de voter.

Bref, si on y réfléchit bien, l'élection des admis est régie par le processus suivant :

1. la communauté a un droit de veto sur les admis, dans la mesure où les bureaucrates ne peuvent pas sysoper quelqu'un en dessous d'un seuil relativement faible (75%, parfois moins dans mon souvenir) d'acceptation.

2. Mais ce sont les bureaucrates qui choisissent, la plupart du temps en fonction d'une opinion qui est préexistante à l'élection elle même. Leur pouvoir discrétionnaire est en fait exorbitant, au regard des principes communautaires de Wikipédia : ils font ce qu'ils veulent, pour autant qu'un quart de la communauté n'a pas un avis contraire à leur opinion.

C'est ce que j'ai conclu à l'élection de Savant fou. Le niveau d'opposition était très élevé. Mais les bureaucrates étaient favorables majoritairement, et ils l'étaient bien avant l'élection elle même. Par conséquent, leur "analyse" des votes a consisté à déclarer de faible qualité les arguments contre -ce qui se comprend étant donné leur opinion préalable. (Depuis son élection Savant fou n'a quasiment pas utilisé ses outils, preuve qu'il n'en avait pas besoin).

On en revient au constat fondamental suivant : ce genre de principe ("pouvoir discrétionnaire") est fondé sur l'hypothèse que quelqu'un est capable de faire une synthèse des opinions des autres, et qu'il doit par conséquent trancher.

Or, 1. C'est inexact : sa synthèse reflète son opinion préalable, la plupart du temps.
2. C'est contraire au principe de Wikipédia, qui veut que la communauté décide.
3. C'est tout simplement dangereux quand ce type de pouvoir appartient à un très petit nombre de personne, puisqu'il y a une probabilité non nulle que règne une forme de partie pris. C'est le risque actuel, avec si peu de bureaucrates.

Bref : ce qu'il y a de l'ordre des bonnes raisons, des arguments, doit être laissé au jugement de la communauté. C'est durant l'élection que l'on doit développer des arguments pour influencer le vote des autres contributeurs. Au terme de ce processus, un seuil élevé d'acceptation, qui doit être toujours le même, est le signe qu'il y a consensus, c'est à dire très large acceptation.

Et si ce genre de processus est défaillant, il ne l'est pas moins que le système actuel (cf. l'élection de Savant fou). Il ne laisse place à aucun arbitraire. Et il est conforme au principe communautaire sur lequel se fonde Wikipédia.

P. Lechien a dit…

Oui, je me suis souvent posé la question du conflit patent entre le fait de voter et celui de participer à une décision d'appel. Je n'ai pas de solution idéale à cela. Par contre je trouve que tu me fais trop d'honneur (ou sous-estimes trop les autres) en réduisant le statut de Clem et EF à celui de poupées-chaussettes.

Je trouve également que tu prends un cas particulier pour noircir le tableau: j'étais plutôt contre le sysopage de Vyk mais ne me suis pas opposé au sysopage temporaire. J'étais aussi personnellement contre celui d'Elfix mais l'ai ouvertement soutenu en tant que Bubu. Enfin, pour le sysopage d'une semaine de Savant-Fou je suis directement allé demander l'avis du bistro avant de me prononcer. Quoiqu'il en soit, je ne me battrai pas pour défendre ce pouvoir discrétionnaire, mais il faut bien avouer qu'il est apparu suite à un besoin, et qu'en son absence on risque de se priver de bons admins par simple conservatisme (et ce dernier ne va pas en diminuant).

Enfin, je crois qu'il y a une différence fondamentale entre nos deux perceptions du rôle d'admin: tu sembles le voir comme une récompense utilitariste à ne confier qu'à ceux qui prétendront avoir envie de s'impliquer plus. Sauf qu'il y a l'intention et la réalité, qui est souvent bien différente (pas par malice, mais parce que les centres d'intérêt changent).

Pour ma part il s'agit plutot de s'assurer d'un niveau de confiance suffisant pour qu'il n'y ait pas d'abus des outils pour défendre ses positions personnelles. Que la personne les utilise ou pas, finalement, c'est assez accessoire.

Concernant ton point 3, effectivement le meilleur garde-fou est l'augmentation du nombre de bubus.

P. Lechien a dit…

En fait à bien y réfléchir c'est la vieille opposition principes c/ pragmatisme.

gede a dit…

Je noircie le tableau, en effet. Mais c'est pour rendre évident mon argument. Et il ne fallait pas le lire comme une mise en cause de ta personne : j'aurais agi de la même manière, si j'avais été à ta place. C'est bien ça qui me pose problème...

Par ailleurs, tu te trompes sur ma vision d'une élection d'administrateur. Pour moi, l'élection vise à faire très exactement ce que tu dis : mesurer la confiance dans l'absence d'abus. Le fait que la personne utilise effectivement ses outils, en particulier pour les tâches ingrates pour lequel il a été élu, est justement la preuve que cette personne ne recherchait pas une récompense, mais un moyen de faire des activités de maintenance auxquels ils n'avaient pas accès jusque là.

S'il ne s'en sert pas, ce n'est en effet pas grave, mais c'est le signe qu'il ne voulait probablement pas les outils pour la bonne raison.

P. Lechien a dit…

Quand je dis "ne les utilise pas", c'est plutôt "les utilise uniquement quand il en a besoin pour ses contributions, égoistement": quand j'ai candidaté c'était pour me simplifier la vie au niveau des recyclages que je traitais; la dédication au bien de la communauté je n'y ai jamais vraiment cru: on a beau se faire traiter de staliniens, on n'est pas en URSS.

L'important est de simplifier la vie des bons contributeurs autant qu'ils simplifieront celle des autres.